Henri MILLER |
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Fais n'importe quoi, mais tires en de la joie. |
Tout homme qui aurait conscience de ses actes ne pourrait pour rien au monde presser du doigt la détente d'un fusil |
A quoi servent les livres sils ne ramènent pas vers la vie, sils ne parviennent pas à nous y faire boire avec plus davidité ? |
Un vrai leader n'a pas besoin de conduire. Il suffit qu'il montre le chemin. |
Certains sentent la pluie à l'avance : d'autres se contentent d'être mouillés. |
Vivre signifie être conscient, joyeusement, jusqu'à l'ébriété. |
Comprendre que vous êtes heureux et savoir comment le rester, cest plus que du bonheur, cest la félicité. |
Le sexe est une des neuf raisons qui plaident en faveur de la réincarnation. Les huit autres sont sans importance. |
Un homme plein de classiques est un danger pour l'humanité. |
Les oeuvres des enfants ont leur place à côté des chefs-d'oeuvre des grands maîtres. |
L'homme a ce choix : laisser entrer la lumière ou garder les volets fermés. |
La joie est pareille à un fleuve : rien n'arrête son cours. |
Si nous étions lucides, instantanément l'horreur de la vie quotidienne nous laisserait stupides. |
Nous sommes rarement en mesure de nous rendre compte à quel point le négatif sert à produire le positif, à quel point le mal engendre le bien. |
Le but de la vie sur terre est de découvrir son être véritable... et de vivre en accord avec lui. |
Tout est devant nous. Le chemin ne finit pas; plus on avance, plus la route s'ouvre à nos yeux. |
Chez un raté, il y a tout ce quil aurait pu être et cest infiniment plus intéressant que ce que lon est devenu. |
Nait de parents
américains dorigine allemande en 1891, à Yorkville, un quartier de New-York. Son
père y est tailleur.
Quelques années plus tard, la famille déménage à Brooklyn. La rue devient alors le
domaine du jeune Henry et il connaît une enfance assez turbulente mais, semble-t-il,
heureuse, quil célèbre dans plusieurs livres. Surtout dans Printemps
noir (1936) quil préface ainsi : "Ce qui ne se passe pas en
pleine rue est faux, cest-à-dire littérature".
En 1909 Miller entre au City College de
New-York. Révolté par les méthodes éducatives en vigueur, il le quitte deux mois plus
tard, et trouve du travail à lAtlas Portland Cement Compagny. Sportif fervent, il
sastreint à une stricte discipline corporelle.
Sa vocation littéraire est précoce
Vers lâge de quinze ans, il connaît un premier amour... malheureux. Il y voit lui
même la cause première du destin singulier de sa vie ; ainsi quil le raconte dans Tropique
du Capricorne (1939). Il avoue avoir pris la fuite, "avoir préféré
se punir", dit il. " Si seulement javais dit le mot quil
fallait, je suis sûr quelle aurait laissé tomber lautre",
"étrange histoire...", continue t-il.
Cest pour aller vivre avec une femme de presque vingt ans son aînée quil quitte la maison paternelle, où il na jamais connu daffection.
En 1912, il se lance dans un long voyage dans lOuest, en Arizona puis en Californie; il y fait la connaissance dEmma Goldman, une célèbre anarchiste. Elle lui ouvre le monde, dit-il lui-même : Nietzsche, Bakounine, Strindberg...
Les influences qui ont formé lécrivain sont plus quhétéroclites :
dans Les Livres de ma vie (1952), lon voit quil
va tout aussi aisément de Knut Hamsun à Dostoïevski, de Cendrars à Giono que de
Keyserling à Elie Faure. Il avoue navoir jamais lu Melville et ne pas avoir la
moindre envie de le faire. Et ceux quon appelle les classiques le rebutent tout
autant que la plupart des contemporains.
1914 marque son retour à New-York. Il
travaille dans latelier de son père.
Dans un tumultueux désordre, il côtoie des personnages excentriques et pittoresques. Sa
mémoire et son imagination se mettent en éveil.
Employé quelque temps au ministère de la Défense à Washington, comme trieur de
courrier, il réalise par la suite quelques reportages pour un journal.
En 1917, Miller se marie une première fois, cest un échec avant même que cela ne
commence : "... Lorsque enfin je lépouserai, je me foutrais éperdument
delle", dit-il dans Le monde du sexe (1940). Il ne
connaîtra ainsi, dans sa vie, pas moins de 5 mariages. Mais une seule femme semble
vraiment compter dans sa vie : June Edith Smith, quil rencontre dans un dance palace
de Broadway en 1923. Il lépouse lannée suivante et, quoique leur vie commune
nait durée que sept ans, on peut dire quelle est présente dans tous ses
livres. Cest elle la femme-dieu, la femme-vampire, la Mona-Mara des Tropiques
et de Crucifixion en rose (1949). Cest durant son union avec
elle quil fait le voeu " de ne plus jamais travailler pour personne".
Il jure de devenir écrivain ou den
crever. Il tiendra son serment. Il rompt avec sa vie passée, quitte son poste à la
Western Union, divorce de Béatrice Sylvas.
Et cest peut-être lélément le plus important, aussi bien dans sa
vie que dans son oeuvre : ce besoin de liberté absolue, cette incapacité chronique de
supporter quelque contrainte que ce soit. Il ne sagit pas que de
contraintes sociales ou morales; même dans le domaine de la lecture ou de
lécriture, il lui faut tout revoir et tout refaire par lui-même. Son premier livre
publié, ce fameux Tropique du cancer (1934) est effectivement une
oeuvre dautolibération : " Ceci nest pas un livre... cest une
insulte sans fin, un crachat à la face de lart, un coup de pieds aux fesses de
Dieu, la Destinée, l Amour, la Beauté". Il y dit aussi : " Qui
peut avoir le moindre respect pour ces gouvernements, ces lois, ces codes, ces principes,
idées ou idéaux, totems et tabous daujourdhui ?".
June et Henry sorganisent un tour
dEurope.
En 1930, il quitte seul New-York avec dix dollars pour Londres.
Il travaille à son roman et à un nouveau livre sur Paris. Il découvre les surréalistes
et mène une vie de bohème.
Anaïs Nin, muse des années parisiennes entre dans sa vie. Miller lui demanda de
préfacer Tropique du Cancer, et lui dédia Printemps
noir.
Il vit au jour le jour : correcteur au Chicago Tribune pour peu de temps, il devient répétiteur danglais au lycée Carnot de Dijon durant lhiver.
Il commence à écrire Tropique
du Cancer et une étude sur D.H. Lawrence.
June, qui la rejoint à Paris quelque temps, retourne aux Etats-Unis; ils ne se
verront plus pendant 27 ans.
En 1934, grâce à la contribution d
Anaïs Nin, Tropique du Cancer est publié par Jack Kahane à
Paris, lannée de son divorce avec June-Mona. Il a quarante-trois ans. I
Il passe presque dix ans à Paris, années bien difficiles, où, cependant il reçoit la
première visite de Blaise Cendrars. Il connaît la misère et la faim, nest soutenu
que par quelques amis, mais les livres se succèdent. Aller-retour New-York,
Printemps Noir et enfin Tropique du Capricorne.
Avec cet ouvrage commence lhistoire de ces sept années passées avec June, sorte de
roman autobiographique quil continue avec Crucifixion en rose,
ouvrage comprenant trois volumes : Sexus, Plexus et Nexus.
En 1937, Lawrence Durrell, qui arrive de
Corfou, retrouve Miller à Paris, il lenchante avec ses souvenirs héllénistiques.
La crainte de la guerre lui fait fuir Paris. Son ami et maître Lawrence Durrel
linvite en Grèce. Là il découvre Georges Katsimbalis, (le héros de Colosse de
Maroussi), le poéte Georges Séféris et le peintre Ghika.
De retour en Amérique, il retrouve les écrivains Sherwood Anderson et John Dos Passos.
Suit une grande activité littéraire, il écrit Le Colosse de Maroussi,
Le Monde du Sexe, Jours tranquilles à Clichy
et commence le cycle de La crucifixion en rose.
Il tire de son voyage en Grèce le livre
Le Colosse de Maroussi, il dira souvent par la suite
quil sagit là de son livre préféré. Il ne sagit pas de la
Grèce antique, de la Grèce historique, berceau de lhistoire; cest une Grèce
toute autre qui lintéresse : celle des paysans et des petites gens, la Grèce qui a
abdiqué et sest retirée de lhistoire pour ne pas dire de la civilisation
occidentale, celle qui vit en marge, au jour le jour.
Dans ce livre se précise une nouvelle tendance vers une écriture plus calme et
contrôlée, un style plus réfléchi qui sétait déjà manifesté dans Printemps
Noir.
Après une série dessais, déferle
la vague contestataire avec le livre Cauchemar climatique (1945),
un tableau sur lAmérique acerbe et féroce.
En 1948, sur une idée de Fernand Léger, Miller se lance dans laventure de Le
Sourire au pied de léchelle. Il reçoit aussi beaucoup de visiteurs :
Stephen Spender, Cartier-Bresson...
Naissance de son fils Tony.
1952. Tour dEurope avec Eve Mc Clure.
En 1953, Miller retrouve Paris et ses anciens amis : Maurice Nadeau, Michel Simon, Albert
Maillet, Albert Paraz, Brassaï.
Sont alors publiés les Livres de ma vie, mais aussi Dimanche après la guerre (1944), Big Sur et les Oranges de Hieronymus Bosch (1956). Il recommence Jours tranquilles à Clichy après la découverte du manuscrit égaré depuis 15 ans.
Ces ouvrages sont édités en Amérique, mais ne connaissent quun succès relatif, tandis que les livres interdits édités à Paris trouvent leur chemin clandestin jusquen Amérique en nombre assez considérable.
Il faudra cependant attendre 1960 et lédition de Tropique du Cancer à New-York, pour que linterdit soit enfin levé et que lauteur, alors septuagénaire, soit fêté dans son propre pays.
Lors dun second voyage en France,
Miller rencontre Georges Simenon puis visite le Sud, et plus particulièrement la région
de Montpellier : le Languedoc-Rousillon pour acheter une maison.
Miller affronte de nouveau léchec sentimental, il rompt avec Eve. Il
sinstalle, en 1963, à Pacific Palisades (Los Angeles).
Lamour est lui aussi au rendez-vous, lune de miel à Paris avec sa nouvelle femme, la chanteuse japonaise Hoki Tokuda.
Des parutions ont encore lieu au cours
des années 70 : les Entretiens avec Georges Belmont, Insomnie
ou un diable au paradis, My Life and Times, Jsuis
pas plus con quun autre (écrit directement en français), et enfin Livre
des Amis.
Sa santé saffaiblit, sa vue aussi,
il finira par perdre un oeil. Mais en 1975, des entretiens ont lieu entre Henry Miller et
Christian de Bartillat à Pacific Palisades, publiés sous le titre Flash-back.
En1980, Henry Miller séteint à Pacific Palisades à lâge de 89
ans.
Qui était-il ?
Cétait un homme chez qui le rire était
véritablement toujours près des larmes, et vice-versa. Cétait
avant tout un art de vivre.
Son regard frappait tous ces interlocuteurs, cétait un regard de sagacité, de
perspicacité et dintense reflexion. Quand on lui demande pourquoi il na
jamais rencontré Picasso qui le souhaitait, il répond que les artistes extraordinaires
sexpriment essentiellement dans leurs oeuvres; il préfère les petites gens parce
que "chez un raté, il y a tout ce quil aurait pu être et cest
infiniment plus intéressant que ce que lon est devenu".
Henry Miller mordait dans la vie avec une sorte de férocité joyeuse. Cest cette même férocité joyeuse quil exprimait parfois devant cette fêlure imprévue, cette secousse sismique qui peut définir la folie. Certes, il connait des états dépressifs et un curieux cauchamar répétitif où il se voit devenir fou.
" La psychanalyse ,
cest une autre histoire" aimait à dire Miller. Linterêt quil
lui porta se modifia au long des années et semble ressortir à une sorte
damour-haine. Miller, comme nombre décrivains, à commencer par Breton, a
longtemps noté ses rêves : " Jai, du reste, toujours ces notes dans ma
bibliothèque, et à partir de ces carnets jai écrit Into the Night life".
Dans entretiens de Paris avec G. Belmont, Miller se durcit : " Dabord je
vais vous dire une chose : je naime pas particulièrement les psychanalystes, même
les plus grands. Jung, par exemple, est, pour moi, un emmerdeur. Je le respecte en un sens
pour ses explorations; il a eu des idées brillantes, mais il est imbuvable et dune
lourdeur! Freud : jai lu tout ce que jai pu de lui, dans ma jeunesse, et
jai été emballé. Mais aujourdhui tout cela ne veut plus rien dire pour moi.
A mon avis, il nous a flanqué bel et bien de nouveaux fardeaux sur le dos et sur la
conscience. Il a libéré dun côté et accablé de lautre. Ca boite...".
Miller était
lhomme de toutes les contradictions. Le génie éveilleur et le
génie destructeur cohabitaient en lui, ce qui ne pouvait manquer dimpressionner
tous ceux quil a rencontré.
Durrell a reconnu Miller, voilà ce quil en dit : " Miller a choisi de faire
honte au Diable et de proclamer la vérité. Son oeuvre est une des quêtes les
plus riches et les plus consistantes en ce domaine depuis Jean-Jacques Rousseau. Parfois,
la conséquence en est choquante, terrifiante. Mais la vérité na-t-elle pas
toujours été oracle incandescent plutôt que bêlement ou plainte? Tout cela nest
parfois pas très beau. Mais ainsi va la vraie vie... cela nous pénètre jusquaux
os".
Sa peinture était son jardin secret. Il peignait sans idée préconçue, sortant ses brosses " pour voir ce qui allait arriver", cest-à-dire surgir inopinément sur la feuille. Chez Miller, au contraire, un gouffre sépare lécrivain de laquarelliste : quelle correspondance établir entre la "jungle" de ses romans où les mots, pour reprendre une expression dAnaïs Nin, sont "efficaces comme des bombes et frappent comme des cognées" et ses aquarelles sans danger, ironiques ou puériles, où rien ne tonitrue, ni même nélève la voix ?
Tout en nourissant
secrètement lespoir dêtre reconnu dans sa vocation seconde par ceux dont la
peinture était lactivité première, Miller ne se faisait guère dillusion
sur sa capacité de maîtriser le métier. Ses aveux sur ce point sont, aussi bien,
dune remarquable et constante modestie. " Jétais capable, écrit-il dans
Peindre, cest aimer à nouveau- en évoquant ses débuts
dans la classe de dessin de son lycée- de dessiner un vase, encore moins une feuille ou
une fleur, et pour la table sur laquelle le vase est posé, seul un acrobate aurait pu
hasarder un pied sur celle que jétais en mesure de dessiner".
Les premiers essais de Miller à laquarelle remontent à 1928, ce mode de peinture
sexplique aisément; en effet il peut retoucher immédiatement, donc se repentir,
"irisation" de la couleur, amour du papier. Il joue habilement avec locre
jaune et ses variantes jusquau rouge. " Laquarelle capte le flux et
lessence, le goût et le parfum de la substance". Ses affections en matière de
peinture se reportent sur Chagall, Kandinsky, Utrillo, Picasso ou Dubuffet : son
émerveillement aura pris toutes les formes.