Henri MILLER
(1891-1980)

sommaire                                                                     

 

AUTEURS
Camus,   Nietzsche,   Einstein, Desproges, Wolinski, Lacan, Gracian,  Cioran....

THEMES
l'Amitié, la Confiance, le Pouvoir, l'Ennui
...


PROVERBES DU MONDE.
Africains, Arabes, Allemands, Chinois, Russes, Québequois...


AUTRES CITATIONS
Aristophane, George Orwell, Jim Morrison..

 

                               Biographie

 

peintures:
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Fais n'importe quoi, mais tires en de la joie.

Tout homme qui aurait conscience de ses actes ne pourrait pour rien au monde presser du doigt la détente d'un fusil

A quoi servent les livres s’ils ne ramènent pas vers la vie, s’ils ne parviennent pas à nous y faire boire avec plus d’avidité ?

Un vrai leader n'a pas besoin de conduire. Il suffit qu'il montre le chemin.

Certains sentent la pluie à l'avance : d'autres se contentent d'être mouillés.

Vivre signifie être conscient, joyeusement, jusqu'à l'ébriété.

Comprendre que vous êtes heureux et savoir comment le rester, c’est plus que du bonheur, c’est la félicité.

Le sexe est une des neuf raisons qui plaident en faveur de la réincarnation. Les huit autres sont sans importance.

Un homme plein de classiques est un danger pour l'humanité.

Les oeuvres des enfants ont leur place à côté des chefs-d'oeuvre des grands maîtres.

L'homme a ce choix : laisser entrer la lumière ou garder les volets fermés.

La joie est pareille à un fleuve : rien n'arrête son cours.

Si nous étions lucides, instantanément l'horreur de la vie quotidienne nous laisserait stupides.

Nous sommes rarement en mesure de nous rendre compte à quel point le négatif sert à produire le positif, à quel point le mal engendre le bien.

Le but de la vie sur terre est de découvrir son être véritable... et de vivre en accord avec lui.
Tout est devant nous. Le chemin ne finit pas; plus on avance, plus la route s'ouvre à nos yeux.
Chez un raté, il y a tout ce qu’il aurait pu être et c’est infiniment plus intéressant que ce que l’on est devenu.

 

Nait de parents américains d’origine allemande en 1891, à Yorkville, un quartier de New-York. Son père y est tailleur.
Quelques années plus tard, la famille déménage à Brooklyn. La rue devient alors le domaine du jeune Henry et il connaît une enfance assez turbulente mais, semble-t-il, heureuse, qu’il célèbre dans plusieurs livres. Surtout dans Printemps noir (1936) qu’il préface ainsi : "Ce qui ne se passe pas en pleine rue est faux, c’est-à-dire littérature".

En 1909 Miller entre au City College de New-York. Révolté par les méthodes éducatives en vigueur, il le quitte deux mois plus tard, et trouve du travail à l’Atlas Portland Cement Compagny. Sportif fervent, il s’astreint à une stricte discipline corporelle.
Sa vocation littéraire est précoce
Vers l’âge de quinze ans, il connaît un premier amour... malheureux. Il y voit lui même la cause première du destin singulier de sa vie ; ainsi qu’il le raconte dans Tropique du Capricorne (1939). Il avoue avoir pris la fuite, "avoir préféré se punir", dit il. " Si seulement j’avais dit le mot qu’il fallait, je suis sûr qu’elle aurait laissé tomber l’autre", "étrange histoire...", continue t-il.

C’est pour aller vivre avec une femme de presque vingt ans son aînée qu’il quitte la maison paternelle, où il n’a jamais connu d’affection.

En 1912, il se lance dans un long voyage dans l’Ouest, en Arizona puis en Californie; il y fait la connaissance d’Emma Goldman, une célèbre anarchiste. Elle lui ouvre le monde, dit-il lui-même : Nietzsche, Bakounine, Strindberg...


Les influences qui ont formé l’écrivain sont plus qu’hétéroclites :   dans Les Livres de ma vie (1952),  l’on voit qu’il va tout aussi aisément de Knut Hamsun à Dostoïevski, de Cendrars à Giono que de Keyserling à Elie Faure. Il avoue n’avoir jamais lu Melville et ne pas avoir la moindre envie de le faire. Et ceux qu’on appelle les classiques le rebutent tout autant que la plupart des contemporains.

1914 marque son retour à New-York. Il travaille dans l’atelier de son père.
Dans un tumultueux désordre, il côtoie des personnages excentriques et pittoresques. Sa mémoire et son imagination se mettent en éveil.
Employé quelque temps au ministère de la Défense à Washington, comme trieur de courrier, il réalise par la suite quelques reportages pour un journal.
En 1917, Miller se marie une première fois, c’est un échec avant même que cela ne commence : "... Lorsque enfin je l’épouserai, je me foutrais éperdument d’elle", dit-il dans Le monde du sexe (1940). Il ne connaîtra ainsi, dans sa vie, pas moins de 5 mariages. Mais une seule femme semble vraiment compter dans sa vie : June Edith Smith, qu’il rencontre dans un dance palace de Broadway en 1923. Il l’épouse l’année suivante et, quoique leur vie commune n’ait durée que sept ans, on peut dire qu’elle est présente dans tous ses livres. C’est elle la femme-dieu, la femme-vampire, la Mona-Mara des Tropiques et de Crucifixion en rose (1949). C’est durant son union avec elle qu’il fait le voeu " de ne plus jamais travailler pour personne".

Il jure de devenir écrivain ou d’en crever. Il tiendra son serment. Il rompt avec sa vie passée, quitte son poste à la Western Union, divorce de Béatrice Sylvas.
Et c’est peut-être l’élément le plus important, aussi bien dans sa vie que dans son oeuvre : ce besoin de liberté absolue, cette incapacité chronique de supporter quelque contrainte que ce soit. Il ne s’agit pas que de contraintes sociales ou morales; même dans le domaine de la lecture ou de l’écriture, il lui faut tout revoir et tout refaire par lui-même. Son premier livre publié, ce fameux Tropique du cancer (1934) est effectivement une oeuvre d’autolibération : " Ceci n’est pas un livre... c’est une insulte sans fin, un crachat à la face de l’art, un coup de pieds aux fesses de Dieu, la Destinée, l’ Amour, la Beauté". Il y dit aussi : " Qui peut avoir le moindre respect pour ces gouvernements, ces lois, ces codes, ces principes, idées ou idéaux, totems et tabous d’aujourd’hui ?".

June et Henry s’organisent un tour d’Europe.
En 1930, il quitte seul New-York avec dix dollars pour Londres.
Il travaille à son roman et à un nouveau livre sur Paris. Il découvre les surréalistes et mène une vie de bohème.
Anaïs Nin, muse des années parisiennes entre dans sa vie. Miller lui demanda de préfacer Tropique du Cancer, et lui dédia Printemps noir.

Il vit au jour le jour : correcteur au Chicago Tribune pour peu de temps, il devient répétiteur d’anglais au lycée Carnot de Dijon durant l’hiver.

Il commence à écrire Tropique du Cancer et une étude sur D.H. Lawrence.
June, qui l’a rejoint à Paris quelque temps, retourne aux Etats-Unis; ils ne se verront plus pendant 27 ans.

En 1934, grâce à la contribution d’ Anaïs Nin, Tropique du Cancer est publié par Jack Kahane à Paris, l’année de son divorce avec June-Mona. Il a quarante-trois ans. I
Il passe presque dix ans à Paris, années bien difficiles, où, cependant il reçoit la première visite de Blaise Cendrars. Il connaît la misère et la faim, n’est soutenu que par quelques amis, mais les livres se succèdent. Aller-retour New-York, Printemps Noir et enfin Tropique du Capricorne. Avec cet ouvrage commence l’histoire de ces sept années passées avec June, sorte de roman autobiographique qu’il continue avec Crucifixion en rose, ouvrage comprenant trois volumes : Sexus, Plexus et Nexus.

En 1937, Lawrence Durrell, qui arrive de Corfou, retrouve Miller à Paris, il l’enchante avec ses souvenirs héllénistiques.
La crainte de la guerre lui fait fuir Paris. Son ami et maître Lawrence Durrel l’invite en Grèce. Là il découvre Georges Katsimbalis, (le héros de Colosse de Maroussi), le poéte Georges Séféris et le peintre Ghika.
De retour en Amérique, il retrouve les écrivains Sherwood Anderson et John Dos Passos.
Suit une grande activité littéraire, il écrit Le Colosse de Maroussi, Le Monde du Sexe, Jours tranquilles à Clichy et commence le cycle de La crucifixion en rose.

Il tire de son voyage en Grèce le livre Le Colosse de Maroussi, il dira souvent par la suite qu’il s’agit là de son livre préféré. Il ne s’agit pas de la Grèce antique, de la Grèce historique, berceau de l’histoire; c’est une Grèce toute autre qui l’intéresse : celle des paysans et des petites gens, la Grèce qui a abdiqué et s’est retirée de l’histoire pour ne pas dire de la civilisation occidentale, celle qui vit en marge, au jour le jour.
Dans ce livre se précise une nouvelle tendance vers une écriture plus calme et contrôlée, un style plus réfléchi qui s’était déjà manifesté dans Printemps Noir.

Après une série d’essais, déferle la vague contestataire avec le livre Cauchemar climatique (1945), un tableau sur l’Amérique acerbe et féroce.
En 1948, sur une idée de Fernand Léger, Miller se lance dans l’aventure de Le Sourire au pied de l’échelle. Il reçoit aussi beaucoup de visiteurs : Stephen Spender, Cartier-Bresson...

Naissance de son fils Tony.

1952. Tour d’Europe avec Eve Mc Clure.
En 1953, Miller retrouve Paris et ses anciens amis : Maurice Nadeau, Michel Simon, Albert Maillet, Albert Paraz, Brassaï.

Il voyage également en Belgique,en Espagne
De retour aux Etats-Unis, il épouse Eve McClure.
1954 Exposition des gouaches de Miller au Japon.
Enfin, il se retire à Big Sur en Californie pour vivre presqu’en reclus. Miller s’est installé dans une hutte construite autrefois par des forçats qui travaillaient sur la grande route littorale, à Anderson Creek. Dans ce lieu idyllique, il trouve la paix. Il esquisse un livre sur Rimbaud, Le Temps des Assassins. Alfred Perlès le retrouve dans ce nid entre ciel et terre pour écrire "Mon ami Henry Miller".

Sont alors publiés les Livres de ma vie, mais aussi Dimanche après la guerre (1944), Big Sur et les Oranges de Hieronymus Bosch (1956). Il recommence Jours tranquilles à Clichy après la découverte du manuscrit égaré depuis 15 ans.

Ces ouvrages sont édités en Amérique, mais ne connaissent qu’un succès relatif, tandis que les livres interdits édités à Paris trouvent leur chemin clandestin jusqu’en Amérique en nombre assez considérable.

Il faudra cependant attendre 1960 et l’édition de Tropique du Cancer à New-York, pour que l’interdit soit enfin levé et que l’auteur, alors septuagénaire, soit fêté dans son propre pays.

Lors d’un second voyage en France, Miller rencontre Georges Simenon puis visite le Sud, et plus particulièrement la région de Montpellier : le Languedoc-Rousillon pour acheter une maison.
Miller affronte de nouveau l’échec sentimental, il rompt avec Eve. Il s’installe, en 1963, à Pacific Palisades (Los Angeles).

L’amour est lui aussi au rendez-vous, lune de miel à Paris avec sa nouvelle femme, la chanteuse japonaise Hoki Tokuda.

Des parutions ont encore lieu au cours des années 70 : les Entretiens avec Georges Belmont, Insomnie ou un diable au paradis, My Life and Times, J’suis pas plus con qu’un autre (écrit directement en français), et enfin Livre des Amis.

Sa santé s’affaiblit, sa vue aussi, il finira par perdre un oeil. Mais en 1975, des entretiens ont lieu entre Henry Miller et Christian de Bartillat à Pacific Palisades, publiés sous le titre Flash-back.
En1980, Henry Miller s’éteint à Pacific Palisades à l’âge de 89 ans.

 

 

Qui était-il ?

C’était un homme chez qui le rire était véritablement toujours près des larmes, et vice-versa. C’était avant tout un art de vivre.
Son regard frappait tous ces interlocuteurs, c’était un regard de sagacité, de perspicacité et d’intense reflexion. Quand on lui demande pourquoi il n’a jamais rencontré Picasso qui le souhaitait, il répond que les artistes extraordinaires s’expriment essentiellement dans leurs oeuvres; il préfère les petites gens parce que "chez un raté, il y a tout ce qu’il aurait pu être et c’est infiniment plus intéressant que ce que l’on est devenu".

 

Henry Miller mordait dans la vie avec une sorte de férocité joyeuse. C’est cette même férocité joyeuse qu’il exprimait parfois devant cette fêlure imprévue, cette secousse sismique qui peut définir la folie. Certes, il connait des états dépressifs et un curieux cauchamar répétitif où il se voit devenir fou.

" La psychanalyse , c’est une autre histoire" aimait à dire Miller. L’interêt qu’il lui porta se modifia au long des années et semble ressortir à une sorte d’amour-haine. Miller, comme nombre d’écrivains, à commencer par Breton, a longtemps noté ses rêves : " J’ai, du reste, toujours ces notes dans ma bibliothèque, et à partir de ces carnets j’ai écrit Into the Night life".
Dans entretiens de Paris avec G. Belmont, Miller se durcit : " D’abord je vais vous dire une chose : je n’aime pas particulièrement les psychanalystes, même les plus grands. Jung, par exemple, est, pour moi, un emmerdeur. Je le respecte en un sens pour ses explorations; il a eu des idées brillantes, mais il est imbuvable et d’une lourdeur! Freud : j’ai lu tout ce que j’ai pu de lui, dans ma jeunesse, et j’ai été emballé. Mais aujourd’hui tout cela ne veut plus rien dire pour moi. A mon avis, il nous a flanqué bel et bien de nouveaux fardeaux sur le dos et sur la conscience. Il a libéré d’un côté et accablé de l’autre. Ca boite...".

Miller était l’homme de toutes les contradictions. Le génie éveilleur et le génie destructeur cohabitaient en lui, ce qui ne pouvait manquer d’impressionner tous ceux qu’il a rencontré.
Durrell a reconnu Miller, voilà ce qu’il en dit : " Miller a choisi de faire honte au Diable et de proclamer la vérité. Son oeuvre est une des quêtes les plus riches et les plus consistantes en ce domaine depuis Jean-Jacques Rousseau. Parfois, la conséquence en est choquante, terrifiante. Mais la vérité n’a-t-elle pas toujours été oracle incandescent plutôt que bêlement ou plainte? Tout cela n’est parfois pas très beau. Mais ainsi va la vraie vie... cela nous pénètre jusqu’aux os".

 

Sa peinture était son jardin secret. Il peignait sans idée préconçue, sortant ses brosses " pour voir ce qui allait arriver", c’est-à-dire surgir inopinément sur la feuille. Chez Miller, au contraire, un gouffre sépare l’écrivain de l’aquarelliste : quelle correspondance établir entre la "jungle" de ses romans où les mots, pour reprendre une expression d’Anaïs Nin, sont "efficaces comme des bombes et frappent comme des cognées" et ses aquarelles sans danger, ironiques ou puériles, où rien ne tonitrue, ni même n’élève la voix ?

Tout en nourissant secrètement l’espoir d’être reconnu dans sa vocation seconde par ceux dont la peinture était l’activité première, Miller ne se faisait guère d’illusion sur sa capacité de maîtriser le métier. Ses aveux sur ce point sont, aussi bien, d’une remarquable et constante modestie. " J’étais capable, écrit-il dans Peindre, c’est aimer à nouveau- en évoquant ses débuts dans la classe de dessin de son lycée- de dessiner un vase, encore moins une feuille ou une fleur, et pour la table sur laquelle le vase est posé, seul un acrobate aurait pu hasarder un pied sur celle que j’étais en mesure de dessiner".
Les premiers essais de Miller à l’aquarelle remontent à 1928, ce mode de peinture s’explique aisément; en effet il peut retoucher immédiatement, donc se repentir, "irisation" de la couleur, amour du papier. Il joue habilement avec l’ocre jaune et ses variantes jusqu’au rouge. " L’aquarelle capte le flux et l’essence, le goût et le parfum de la substance". Ses affections en matière de peinture se reportent sur Chagall, Kandinsky, Utrillo, Picasso ou Dubuffet : son émerveillement aura pris toutes les formes.