La FONTAINE
(1621-1695)

 

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AUTEURS
Camus,   Nietzsche,   Einstein, Desproges, Wolinski, Lacan, Gracian,  Cioran....

THEMES
l'Amitié, la Confiance, le Pouvoir, l'Ennui
...


PROVERBES DU MONDE.
Africains, Arabes, Allemands, Chinois, Russes, Québequois...


AUTRES CITATIONS
Aristophane, George Orwell, Jim Morrison..

 

                                                 
 

 

  La Fontaine Tome 1 La Fontaine Tome 2
 

Né dans la bourgeoisie de province, Jean de la Fontaine succédera à son père comme maître des Eaux et Forêts à Château-Thierry. Ses tournées d'inspection lui feront connaitre intimement la nature qu'il peindra dans ses "fables". Mais le jeune homme est attiré par les lettres ; il lit beaucoup, étudie les auteurs latins et grecs et fréquente les cercles littéraires parisiens : il veut écrire. Son premier mécène est le surintendant des Finances Fouquet. Chargé des divertissements de la cour de Vaux-le Vicomte, La Fontaine compose des ballades, des poèmes, des chansons. Mais l'arrestation de Fouquet le prive de tout appui. Il ne reniera jamais son protecteur, ce qui le rendra longtemps indésirable aux yeux de Louis XIV. Désormais, la vie de La Fontaine se partagne entre les salons (ceux de Madame La Fayette et de Madame de Sévigné) et l'attachement aux personnages illustres qui le prennent sous leur protection. En 1665, la publication des "contes" puis un recueil de" fables" en 1668 le rendent célèbres. Les trois recueils de fables qu'il écrira seront un des plus gros "succès de librairie" du siècle. En 1684, il est élu à l'académie française.

     L'absence est le plus grand des maux
tasmanie.gif (3654 octets)On rencontre sa destinée souvent par des chemins qu'on prend pour l'éviter
  Chacun se dit ami : mais fou qui s'y repose ;
Rien n'est plus commun que le nom,
Rien n'est plus rare que la chose.
  Ni l'or ni la grandeur ne nous rendent heureux.
  Beaucoup mieux seul qu'avec des sots.
  On a souvent besoin d’un plus petit que soi.
  Tout flatteur vit aux dépens de celui qui l’écoute.
  Aide-toi, le ciel t'aidera.
Je le répète, et dis, vaille que vaille,
Le monde n'est que franche moutonnaille.
  Tout l'univers obéit à l'Amour ;
Aimez, aimez, tout le reste n'est rien.
Le coeur fait tout, le reste est inutile.
  La méfiance est mère de la sûreté.
  Les plus accommodants, ce sont les plus habiles.
 

l'homme et la couleuvre

Un homme vit une couleuvre :
" A méchante, dit-il, je m'en vais faire une oeuvre
Agréable à tout l'univers !"
A ces mots, l'animal pervers
(C'est le Serpent que je veux dire,
Et non l'homme : on pourrait aisément s'y tromper),
A ces mots, le Serpent, se laissant attraper,
Est pris, mis en son sac ; et, ce qui fut le  pire,
On résolut sa mort, fût-il coupable ou non.
Afin de le payer toutefois de raison,
L'autre lui fit cette harange :
"Symbole des ingrats : être bon aux méchants,
C'est être sot, meurs donc : ta colère et tes dents
Ne me nuiront jamais." Le Serpent, en sa langue,
Reprit du mieux qu'il put : "S'il fallait condamner
Tous les ingrats qui sont au monde,
A qui pourrait-on pardonner ?
Toi-même tu te fais ton procès : je me fonde
Sur tes propres leçons ; jette les yeux sur toi.
Mes jours sont en tes mains, tranche-les : ta justice,
C'est ton utilité, ton plaisir, ton caprice :
Selon ces lois, condamne-moi ;
Mais trouve bon qu'avec franchise
En mourant au moins je te dise
Que le symbole des ingrats
Ce n'est pas le Serpent, c'est l'Homme. " Ces paroles
Firent arrêter l'autre ; il recula d'un pas.
Enfin il repartit : "Tes raisons sont frivoles.
Je pourrais décider, car ce droit m'appartient ;
Mais rapportons-nous-en.-Sois fait, dit le Reptile.
Une Vache était là : l'on l'appelle ; elle vient :
Le cas est proposé. " C'était chose facile :
Fallait-il pour cela, dit-elle, m'appeler ?
La Couleuvre a raison : pourquoi dissimuler ?
Je nourris celui-ci depuis longues années ;
Il n'a sans mes bienfaits passé nulles journées :
Tout n'est que pour lui seul ; mon lait et mes enfants
Le font à la maison revenir les mains pleines ;
Même j'ai  rétabli sa santé, que les ans
Avaient altérée ; et mes peines
Ont pour but son plaisir ainsi que son besoin.
Enfin me voilà vieille ; il me laisse en un coin
Sans herbe : s'il voulait encor me laisser paître !
Mais je suis attachée , et si j'eusse eu pour maître
Un Serpent eût-il su jamais poussé si loin
L'ingratitude ? Adieu : j'ai dit ce que je pense "
l'Homme, tout étonné d'une telle sentence,
Dit au Serpent : "Faut-il croire ce qu'elle dit ?
C'est une radoteuse ; elle a perdu l'esprit.
Croyons ce Boeuf? - croyons", dit la rampante bête.
Ainsi dit, ainsi fait. Le boeuf vient à pas lents.
Quand il eut ruminé tout le cas en sa tête,
Il dit que du labeur des ans
Pour nous seuls il sortait les soins les plus pesants,
Parcourant sans cesser ce long cercle des peines
Qui, revenant sur soi, ramenait dans nos plaines
Ce que Cérès nous donne, et vend aux animaux ;
Que cette suite de travaux
Pour récompense avait, de tous tant que nous sommes,
Force coups, peu de gré ; puis, quand il était vieux,
On croyait l'honorer chaque fois que les hommes
Achetaient de son sang l'indulgence des Dieux.
Ainsi parlat le boeuf. L'Homme dit : "Faisons taire
Cet ennuyeux déclamateur ;
Il cherche de grands mots, et vient ici se faire,
Au lieu d'arbitre, accusateur.
Je le récuse aussi." l'Arbre étant pris pour juge,
Ce fut bien pis encore. Il servait de refuge
Contre le chaud, la pluie, et la fureur  des vents ;
Pour nous seuls il ornait les jardins et les champs ;
L'ombrage n'était pas le seul bien qu'il sût faire ;
Il courbait sous les fruits. Cependant pour salaire
Un rustre l'abattait ; c'était son loyer ;
Qouique, pendant tout l'an, libéral il nous donne,
Ou des fleurs au printemps, ou du fruit en automne,
l'ombre l'été, l'hiver les plaisirs du foyer.
Que ne l'émondait-on, sans prendre la cognée ?
De son tempérament, il eût encor vécu.
L'Homme, trouvant mauvais que l'on l'eût convaincu,
Voulut à toute force avoir cause gagnée.
'Je suis bien bon, dit-il, d'écouter ces gens-là!"
Du sac et du Serpent, aussitot il donna
Contre les murs, tant qu'il tua la bête.

On en use ainsi chez les  grands :
La raison les offense ; ils se mettent en tête
Que tout est né pour eux, quadrupèdes et gens,
Et serpents.
Si quelqu'un desserre les dents,
C'est un sot.- J'en conviens : mais que faut-il donc faire ?
- Parler de loin, ou bien se taire.