sommaire                                                  Albert Camus
                                                      
1913-1960

Il faut imaginer Sisyphe heureux !!!!

AUTEURS
Camus,   Nietzsche,   Einstein, Desproges, Wolinski, Lacan, Gracian,  Cioran....

THEMES
l'Amitié, la Confiance, le Pouvoir, l'Ennui
...


PROVERBES DU MONDE.
Africains, Arabes, Allemands, Chinois, Russes, Québequois...


Citations en images

 

 

Naît en 1913 a Mondovi en Algérie ; toute son oeuvre porte la marque d'un attachement profond à ce pays.
Son père tué à la guerre, son enfance est celle d'un enfant pauvre.
Il fait des études de philosophie, mais la tuberculose l'empêche de devenir professeur. Il partage alors son temps entre le journalisme, le théâtre comme metteur en scène et l'écriture.
Pendant la guerre, il milite dans la résistance en dirigeant le journal clandestin "Combat".
En 1942, la publication de L'Étranger attire l'attention sur un nouveau courant de pensée : la philosophie de l'absurde. Il publie également le mythe de Sisyphe.
1944 : rédacteur en chef du journal Combat, il fait la connaissance de Jean Paul Sartre.
1946 : se lie d'amitié avec René Char.
1952 : rupture avec Sartre dont la revue "les temps modernes" avaient critiqué "l'homme révolté" paru en 1951.
1957 : il reçoit le prix Nobel de littérature.
4 janvier 1960 : se tue en voiture dans l'Yonne.
Le sentiment de l'absurde naît , d'après Camus, d'un besoin humain d'ordre et de cohérence dans un monde qui n'a ni sens ni cohérence.
Camus garde pourtant sa foi en l'être humain. Sa pensée est caractérisée par un humanisme enraciné dans la culture classique et par une perception très sensible du monde : le soleil, la mer et les paysages méditerranéens jouent un grand rôle dans ses romans.

La guerre d'Algérie est vécue comme un déchirement qui l'oppose à certains de ses amis, dont Sartre.

L'art de vivre sur le qui-vive

La naissance du Premier Homme

Déchiré sur L'Algérie

Sartre contre Camus

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Prométhée et Sisyphe : Dans le sort de Sisyphe, apparament sans espoir et sans issue tant il est confronté à l'absurdité absolue de son existence, il existe un  espace, atrocement minuscule, mais un espace quand même pour accueillir Prométhée.

Prométhée, le héros de l'homme révolté choisit de vivre une vie pour les autres, une vie de révolte contre leur malheur

Sisyphe : la clairvoyance qui devait faire son tourment consomme du même coup sa victoire. Il n'est pas de destin qui ne se surmonte par le mépris.
Ce n'est pas un geste de désespoir : c'est un acte créateur. Je me révolte, donc nous sommes. Pas l'homme qui conquiert, mais celui qui persiste.

La misère m'empecha de croire que tout est bien sous le soleil et dans l'histoire; le soleil m'apprit que l'histoire n'est pas tout.
Tout l'art de kafka est d'obliger le lecteur à relire.
Il y a la beauté et il ya les humiliés. Quelles que soient les difficultés de l'entreprise, je voudrais ne jamais être infidèle ni à l'une ni aux autres.

L'élève, comme la rivière,aimerait suivre son cours tout en restant dans son lit .....

 

La vérité, comme la lumière, aveugle. Le mensonge, au contraire, est un beau crépuscule qui met chaque objet en valeur.

 

Comme remède à la vie en société, je suggère les grandes villes : c'est le seul désert à notre portée.

 

Commencer à penser, c'est commencé d'être miné.

 

Qu'est-ce que le bonheur sinon l'accord vrai entre un homme et l'existence qu'il mène ?

 

Il y a dans les hommes plus de choses à admirer que de choses à mépriser.

 

C'est cela l'amour, tout donner, tout sacrifier sans espoir de retour.

 

Créer, c'est vivre deux fois.

 

Tout le monde ment. Bien mentir voilà ce qu'il faut.

 

Tout homme est un criminel qui s'ignore.

 

N'être plus écouté : c'est cela qui est terrible lorsqu'on est vieux.

 

Vivre, c'est ne pas se résigner.

 

Celui qui désespère des événements est un lâche, mais celui qui espère en la condition humaine est un fou.

 

La tentation la plus dangereuse : ne ressembler à rien.

 

La vraie générosité envers l'avenir consiste à tout donner au présent.

 

L'espoir, au contraire de ce qu'on croit, équivaut à la résignation. Et vivre, c'est ne pas se résigner.

  Il n'y a qu'un problème philosophique vraiment sérieux : c'est le suicide. Juger que la vie vaut ou ne vaut pas la peine d'être vécue, c'est répondre à la question fondamentale de la philosophie.
L'oeuvre d'art naît du renoncement de l'intelligence à raisonner le concret.
Combien de crimes ont été commis simplement parce que leur auteur ne pouvait supporter d'avoir tort.
L'absurdité est surtout le divorce de l'homme et du monde.
Au milieu de l'hiver, j'ai découvert en moi un invincible été.
Tout ce que je sais de plus sûr à propos de la moralité et des obligations des hommes, c'est au football que je le dois.
Il est toujours aisé d'être logique. Il est presque impossible d'être logique jusqu'au bout.
Aimer un être, c'est accepter de vieillir avec lui.
Le grand courage, c'est encore de tenir les yeux ouverts sur la lumière comme sur la mort.
Le charme : une manière de s'entendre répondre "oui" sans avoir posé aucune question claire.
Rien au monde ne vaut qu'on se détourne de ce qu'on aime.
Le sens de la vie supprimé, il reste encore la vie.
Parler de ce qu'on ignore finit par vous l'apprendre.
Tout refus de communiquer est une tentative de communication ;tout geste d'indifférence ou d'hostilité est appel déguisé.
Il n'est pas de punition plus terrible que le travail inutile et sans espoir.
L'absurde, c'est la raison lucide qui constate ses limites.
Il y a seulement de la malchance à n'être pas aimé ; il y a du malheur à ne point aimer.
L'honneur est la dernière richesse des pauvres.
Il n'y a pas d'amour de vivre sans désespoir de vivre.
Vivre est une torture puisque vivre sépare.
Il n'y a pas de honte à préférer le bonheur.
L'homme n'est rien en lui-même. Il n'est qu'une chance infinie. Mais il est le responsable infini de cette chance.
Nos grandes vertus finissent par nous lasser. L'intelligence nous donne honte et nous imaginons parfois quelque heureuse barbarie où la vérité serait sans effort.   Lettre à un ami allemand, 1943 - 1944
Ce qui m'intéresse, c'est d'être un homme.  La peste
L'absurde naît de la confrontation de l'appel humain avec le silence déraisonnable du monde. le mythe de Sisyphe
La mémoire des pauvres est moins nourrie que celle des riches. Elle a moins de repères dans l'espace puisqu'ils quittent rarement le lieu où ils vivent, moins de repères aussi dans le temps d'une vie uniforme et grise. Le premier homme

 

L'art de vivre sur le qui-vive

Extrait de l'article d'André Velter paru dans le Monde du 25/10/87

A 44 ans, Camus apparaissait comme un être béni des dieux alors même qu'il devait tout à son acharnement, à son exigence créatrice, à sa lucidité déchirée, à sa perception physique et métaphysique de la dignité humaine.
Son parcours d'écrivain, d'essayiste, de dramaturge, d'éditorialiste avait fait de lui un repère obligé et quelque peu jalousé. Tant de dons éclatants alliés à tant de probité intellectuelle et morale, tant de fougue conjuguée à tant de maîtrise avaient parfois pour les contemporains moins doués quelque chose d'insupportable.
Avec son sens inné de la formule, Sartre avait, au temps de leur amitié, salué en Camus "l'admirable conjonction d'une personne, d'une action et d'une oeuvre".

L'affrontement avec Sartre devait non seulement meurtrir Camus mais occulter pour longtemps la portée philosophique et politique de son oeuvre. Face à la puissance conceptuelle du philosophe qui rédigeait alors "la critique de la raison dialectique", que pouvait un homme assez ingénu pour confier son "incapacité de raisonner au-delà d'une expérience vécue" ?

En pleine célébration du culte de l'histoire, il entendait fixer des limites à tous les pouvoirs, y compris à ceux qui se voulaient révolutionnaires. "Dans l'univers purement historique qu'elles ont choisi, révolte et révolution débouchent dans le même dilemme : ou la police ou la folie". "La révolution, pour être créatrice, ne peut se passer d'une règle, morale ou métaphysique, qui équilibre le délire historique".
Glorifiant "l'intransigeance exténuante de la mesure", il se référait à "la longue tradition de ce qu'on peut appeler la pensée solaire où, depuis les Grecs, la nature a toujours été équilibrée au devenir". Dernière partie de "l'homme révolté", la "pensée de midi", avec son écriture frémissante, son âpre lyrisme et ses élans blessés , avait tout pour agacer souverainement les théoriciens en chambre. Trop de lumière éblouie, trop de scrupules, une attention trop exclusive portée au bonheur humain, quitte à renoncer aux chimères de l'homme nouveau.
Ce qui avec le recul, s'impose comme un appel inspiré à la tolérance, à la fraternité, au respect des droits de l'homme et au contrôle de progrès techniques devenus destructeurs, apparut alors comme une exaltation masquée du réformisme. Il s'agissait en fait d'une sagesse révoltée soucieuse de susciter un art de vivre sur le qui-vive.

Citant René Char "l'obsession de la moisson et l'indifférence à l'histoire sont les deux extrémités de mon arc",  Camus marquait son accord avec la foudroyante clarté de la pensée poétique face au pathos des idéologies.
Dés les premières pages de son livre, il avait d'ailleurs tenu à couper les ponts avec "la philosophie qui peut servir à tout, même à changer les meurtriers en juges".

Camus ne devait jamais présenter le profil d'un maître à penser, mais il devint pour beaucoup un maître à vivre, un éveilleur de conscience.

Au long des essais, des chroniques, chacune des phrases de Camus engage à "servir la dignité de l'homme par des moyens qui restent dignes au milieu d'une histoire qui ne l'est pas.
Dans ses romans et récits, il n'a présenté ni modèle ni 'homme de marbre", mais des héros fragiles, égarés, tragiquement jetés au monde.
Le romancier, dans toute l'amplitude de son parcours, a fait escorte à la misère humaine, à l'effarement d'exister.

Si chez Camus, le courage, la grandeur ou bien l'honneur ne sont pas des mots vides de sens, c'est qu'ils ont, en d'autres pages, leurs reflets incertains. Un être "vitriolé par le doute", comme il se définissait, ne cédera jamais à quelque totale certitude ni à la croyance obtuse d'avoir raison une fois pour toutes.

"On ne vit pas que de lutte et de haine. On ne meurt pas toujours les armes à la main. Il y a l'histoire et il y a autre chose, le simple bonheur.. la beauté."

 

   


L'Etranger (1942)

Ce qu'en écrit Camus en 1955 dans la préface à l'édition américaine:
"J'ai résumé l'Etranger, il y a très longtemps, par une phrase dont je reconnais qu'elle est très paradoxale: Dans notre société, tout homme qui ne pleure pas à l'enterrement de sa mère risque d'être condamné à mort. Je voulais dire seulement que le héros du livre est condamné parce qu'il ne joue pas le jeu. En ce sens, il est étranger à la société où il vit, il erre, en marge, dans les faubourgs de la vie privée, solitaire, sensuelle.

 Et c'est pourquoi des lecteurs ont été tentés de le considérer comme une épave. On aura cependant une idée plus exacte du personnage, plus conforme en tout cas aux intentions de son auteur, si l'on se demande en quoi Meursault ne joue pas le jeu. La réponse est simple, il refuse de mentir. Mentir, ce n'est pas seulement dire ce qui n'est pas. C'est aussi, c'est surtout dire plus que ce qui est et, en ce qui concerne le coeur humain, dire plus qu'on ne sent. C'est ce que nous faisons tous, tous les jours, pour simplifier la vie. Meursault, contrairement aux apparences, ne veut pas simplifier la vie. Il dit ce qu'il est, il refuse de masquer ses sentiments et aussitôt la société se sent menacée. On lui demande par exemple de dire qu'il regrette son crime, selon la formule consacrée. Il répond qu'il éprouve à cet égard plus d'ennui que de regret véritable. Et cette nuance le condamne.

Meursault pour moi n'est donc pas une épave, mais un homme pauvre et nu, amoureux du soleil qui ne laisse pas d'ombre. Loin d'être privé de toute sensibilité, une passion profonde, parce que tenace, l'anime, la passion de l'absolu et de la vérité. Il s'agit d'une vérité encore négative, la vérité d'être et de sentir, mais sans laquelle nulle conquête sur soi ne sera jamais possible.
On ne se tromperait donc pas beaucoup en lisant dans l'Etranger l'histoire d'un homme qui, sans aucune attitude héroïque, accepte de mourir pour la vérité."
 

 

La naissance du Premier Homme

Dans le "premier homme' dont nous n'aurons que le premier tome, il parle d'une enfance à "mi-distance de l'enfance et du soleil". Hymne au soleil, à la mer, à la lumière. Il parle aussi "du vide affreux" causé par l'absence du père. Entre les deux femmes qui l'entourent et malgré l'infinie tendresse qu'il nourrit pour sa mère, Camus est le seul homme, "le premier homme".
Il lui faudra s'élever "au prix le plus cher", "trouver seul sa morale et sa vérité".
Ce "dernier" Camus constitue un document exceptionnel dur la formation d'une des plus hautes consciences du siècle; Tout Camus est là.

 

Déchiré sur L'Algérie

Chacun pour se justifier s'appuie sur le crime de l'autre.
... A droite, on a le plus souvent entériné, au nom de l'honneur français, ce qui était le plus contraire à cet honneur. A gauche, on a le plus souvent, et au nom de la justice, excusé ce qui était une insulte à toute vraie justice. La droite a laissé ainsi l'exclusivité du réflexe moral à la gauche, qui lui a cédé l'exclusivité du réflexe patriotique. Le pays a souffert deux fois.... cela fait deux politiques différentes et une seule démission, là où il ne s'agit pas de crever séparément mais de vivre ensemble.


Extrait de Chroniques Algériennes, avril 1958
 

 

Sartre contre Camus

Sartre : Un mélange de suffisance sombre et de vulnérabilité a toujours découragé de vous dire des vérités entières. le résultat est que vous êtes devenu la proie d'une morne démesure qui masque vos difficultés intérieures et que vous nommez, je crois : mesure méditerranéenne.

Embarquer Camus sur la galère existentialiste est un malentendu.
Camus est poète. Sartre est critique.

Si un dialogue imaginaire avait pu s'établir entre Meursault et Mathieu, ils n'auraient pu échanger que des injures. Ce que Camus appelle Absurde, ce divorce entre l'élan de l'homme vers l'éternel et le caractère fini de son existence, et qu'il vit comme une passion, la plus déchirante de toutes, est au fond assez étranger à Sartre, dont la morale est celle du faire, et la logique rigoureusement rationnelle; la "nausée" de Sartre, qui lui a inspiré les seules pages poétiques de son oeuvre, n'a rien à voir avec l'élan originel qui fait communier Camus avec les nourritures terrestres, l'été d'Alger, le vent sur la ville, la mer chaude.

Après la publication de l'homme révolté en 1951, Camus est mis au ban de la gauche intellectuelle pour "déviationnisme de droite".
Si il veut sauver l'idée de l'homme, c'est qu'il a déjà désespéré de son histoire.
Si il s'accroche encore à l'union des hommes devant la mort, c'est qu'il n'a rien compris à la lutte des classes.
S'il ne sait voir "dans les luttes actuelles que le duel imbécile de deux monstres également abjects, c'est qu'il nous a déjà quittés" écrit la rédaction des "temps modernes". et Jeanson de conclure "Je ne vois qu'une solution pour vous : les ïles Galapagos"

Camus répond : (ses arguments ne reposent que sur le bon sens qui est aujourd'hui une forme de courage)
"On ne décide pas de la vérité d'une pensée selon qu'elle est à droite ou à gauche et moins encore selon ce que la droite et la gauche décident d'en faire. A ce comte, Descartes serait stalinien et Péguy bénirait M. Pinay. Si la vérité me paraissait à droite, j'y serais". (Cette dernière phrase indigne Sartre).
"
Il y a du repentir en effet dans le cas de ces intellectuels bourgeois qui veulent expier leurs origines."

Camus, une fois encore, se trouve seul à parier pour l'homme véritable, qui n'est pas l'homme des techniques ou des idéologies, mais celui d'un présent toujours menacé, de la chair souffrante, des gestes de tous les jours de la vie.

Extraits de l'article de Pierre de Boisdeffre dans le Monde du 24/9/52