Hannah ARENDT  (1906-1975)

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AUTEURS
Camus,   Nietzsche,   Einstein, Desproges, Wolinski, Lacan, Gracian,  Cioran....

THEMES
l'Amitié, la Confiance, le Pouvoir, l'Ennui
...


PROVERBES DU MONDE.
Africains, Arabes, Allemands, Chinois, Russes, Québequois...


AUTRES CITATIONS
Aristophane, George Orwell, Jim Morrison..

 

 

 

Le totalitarisme ne tend pas à soumettre les hommes à des règles despotiques, mais à un système dans lequel les hommes sont superflus.  Les Origines du totalitarisme, 1951.
La confiance n'est pas une illusion vide et à long terme c'est la seule chose qui puisse nous assurer que notre monde privé n'est pas aussi un enfer. janvier 1946 à Blumenfield
Je n'appartiens pas au cercle des philosophes. Mon métier, c'est la théorie politique. Il y a déjà longtemps que j'ai définitivement pris congé de la philosophie. Entretien avec Gûnther Gaus, oct. 1964
Les mots justes trouvés au bon moment sont de l'action.
Sans les masses, le chef n'existe pas.
Les mouvements totalitaires sont des organisations massives d'individus atomisés et isolés.
La principale caractéristique de l'homme de masse n'est pas la brutalité ou le retard mental, mais l'isolement et le manque de rapports sociaux normaux.
Si tu réussis à paraître devant les autres ce que tu souhaiterais être, c'est tout ce que peuvent exiger de toi les juges de ce monde.
La société de masse ne veut pas la culture mais les loisirs.
L'oeuvre d'Hannah Arendt s’est imposée comme une référence essentielle pour appréhender les enjeux de notre monde. A travers la critique des totalitarismes nazi et communiste, la pensée de cette intellectuelle juive demeure hantée par l’avènement de « l’homme de masse », individu atomisé, sans repères ni racines, qui s’offre au joug des régimes autoritaires.
Le procès d'Eichmann, en 1961 à Jérusalem inspire à Hannah Arendt une définition de la nature du mal : ce ne serait pas de la méchanceté mais de l'ordre de la bêtise, l'absence de la force de juger. Eichmann à Jérusalem (1963)

Hannah Arendt s'intéresse donc à Eichmann et à ses crimes. Sa réflexion n'a rien d'instinctif. Elle s'appuie au contraire sur son travail sur le totalitarisme : la caractéristique des régimes totalitaires est de rendre les hommes superflus, au profit de l'homme idéal. Pour Eichmann, les hommes étaient superflus et, lui aussi, en tant que produit du système totalitaire, était superflu, c'est-à-dire sans langage (autre que la phraséologie bureaucratique), sans conscience, non sans intelligence mais sans pensée. L'ouvrage est sous-titré : « Rapport sur la banalité du mal », expression qui fera florès. La « banalité » qu'elle dissèque ne signifie pas que le mal lui-même est banal mais qu'il peut être commis banalement, sans intention, sans but, sans responsabilité, sans morale, juste par obéissance. Aux efforts du procureur de la cour de Jérusalem pour faire d'Eichmann un militant convaincu de la solution finale, elle répond : non, un fonctionnaire zélé. On y a vu une absolution ; c'était une accusation peut-être pire parce qu'elle induit la possibilité d'une perpétuation sans fin du crime. L'histoire, et les génocides qui suivirent, lui donnèrent raison.
 

Du mal radical (Kant) à la banalité du mal. Expression souvent mal comprise. Elle ne veut pas dire que le mal est banal, mais qu'on peut le faire parce qu'on ne pense plus ou pas. Il reste toujours un espace pour penser.
Elle a abandonné l'expression mal radical, notamment parce qu'elle n'a pas trouvé de bien radical.

D'après Marcel Gauchet (magazine littéraire de septembre 2005), :
L’œuvre d’Arendt consiste en une série d’investigations où l’exploration de l’objet – qu’il s’agisse du procès Eichmann, du totalitarisme, ou de l’idée de révolution –l’emporte toujours sur l’affirmation d’une position philosophique. De telle sorte d’ailleurs que l’identification de cette dernière ne livre pas beaucoup de lumière sur le contenu des analyses. Qu’apprend-on d’Arendt lorsqu’on dit qu’elle est « phénoménologue » ou qu’elle relève du heideggerianisme ? Pas grand-chose, même si c’est bon à savoir. C’est ce style intellectuel qui fait la difficulté de « la lecture de son œuvre pour elle-même », comme vous dites. Il est en même temps, à mes yeux, ce qui en f ait la force inspiratrice. Il est celui des grands auteurs de la pensée de la politique. Quand je lis Machiavel, Montesquieu ou Tocqueville, je ne me demande pas d’abord quelle est leur identité philosophique. Je crois que la façon dont Hannah Arendt pense la Cité – dans vos termes – est sortie de l’actualité.
Laure Adler publie "Dans les pas de Hannah Arendt".
Il faut avoir recours à son œuvre pour comprendre notre monde. Hannah Arendt compte parmi les penseurs les plus importants de l'histoire des idées. Elle a expliqué la nouveauté radicale des totalitarismes nazi et communiste enracinés dans l'antisémitisme et le colonialisme. Elle a dressé un tableau inoubliable de l'homme de masse fragilisé par l'absence de repères.
Elle a puisé sa pensée au cœur de sa vie. Hannah Arendt a traversé des tragédies sanglantes, vécu des amours célèbres, enduré des polémiques violentes. "Dans les pas de Hannah Arendt" retrace sa trajectoire. Laure Adler y fait un portrait distancié et insolent d'une intellectuelle juive tentée par la haine de soi. Elle dépeint ses déchirures, ses duretés, ses dépressions, ,ses dépendances, ses désirs. Elle analyse ses obscurités et ses fulgurances.
Le Nouvel Observateur titre en 1966: « Hannah Arendt est-elle nazie? » Il y a ce passage célèbre datant de 1963 où elle répond aux critiques de son ami Gershom Scholem. Il lui reproche encore et encore son manque d'amour pour le peuple juif. Elle dit alors combien ce reproche est juste car elle se sent incapable d'aimer un peuple ou une classe sociale Le seul amour en lequel elle croit l'amour des personnes.
Hannah Arendt recherche avant tout la vérité. Elle veut penser sans sentiment (et cela choque parfois) et vivre dans la force (et cela parfois bouleverse).
Laure Adler étudie sa relation avec Martin Heidegger demeuré silencieux sur son passé nazi, son amitié forte avec Karl Jaspers. Elle nous livre une Hannah Arendt en chair et en os. Complexité et ambiguïté. Hannah Arendt méprise la plainte au point de souvent tomber dans la brutalité. Elle pense "qu'il ne faut surtout pas faire tant de bruit de soi-même". Elle reconnaît sans peine sa violence. "Je sais, je suis comme une hache". Mais on la découvre aussi amoureuse passionnée, femme émerveillée par les splendeurs de la nature, amie solide et dévouée. Hannah Arendt nous aura donné une leçon de courage : Il faut choisir la vérité.

Source : JDD du 18/9/05