Temps
Comprendre ce qu'est le temps pour mieux le vivre
Notes de lecture de "Briser la dictature du temps" de
Bruno Jarrosson Ed Maxima.
Ceux qui travaillent ont
l'impression de subir une pression sur leur temps, presque un vol. Ceux qui
ne travaillent pas s'ennuient, croient perdre leur temps. Du temps, j'en ai
trop ou trop peu... Le retraité ne fait pas ce que jadis il a reporté au
moment de la retraite. Le temps l'a trahi...
Le travail apporte
l'information donc le contenu du temps. Sans travail, un déprimant sentiment
de vide s'installe.
La vie moderne, d'une certaine façon, nous met hors du temps. temps de
travail intensif pour être productif, puis temps de travail domestique
inchangé, puis temps de consommation intensive pour être productif dans la
consommation. Voilà plus personne n'a le temps....
Les représentations du temps :
Le choc des temps : La vision mécaniste, linéaire du temps nous éloigne du sens. 0n ne peut assimiler la sensation du temps à sa mesure. Ce livre où se mêlent littérature, histoire des sciences et philosophie nous amène à découvrir que nous élaborons en fait deux représentations du temps : le temps mesuré par les horloges, dans lequel se cale la vie sociale, et le temps ressenti où se niche notre vie personnelle.
Le temps et la science
classique : C'est Newton qui définit le
temps universel : commun à tous les observateurs, identique en tous lieux et
s'écoulant uniformément.
Cela permettra de résoudre le paradoxe de Zénon d'Elée. Les grecs ont en
effet buté sur la notion du temps.
Les deux représentations du temps, celle de sa mesure et celle de son contenu : le temps mesuré et le temps ressenti.
«Notre mode de vie nous ancre dans un temps qui devient sensible quand nous changeons brutalement de façon de vivre.»
«Le temps des vacances n’est pas le même que le temps des périodes d’activité. Les durées ne sont pas comparables dans leur contenu même si elles le sont dans leur mesure.»
Le temps mesuré est le temps que nous avons en commun avec les autres ; il est nécessaire de l’utiliser pour agir avec les autres et atteindre un objectif.
Le temps ressenti débouche sur une écologie du temps qui évite de subir son accélération.
Lire un résumé de livre, c’est gagner du temps mesuré, mais perdre du temps ressenti ; c’est-à-dire perdre de la substance du livre. Dans maintes circonstances, gagner du temps mesuré revient à perdre du temps. Atteindre un objectif, nécessite de déterminer de quelle représentation du temps relève chaque situation : mesure du temps ou contenu du temps ?
Le temps dans les différentes cultures :
Octavio Paz, prix Nobel de littérature en 1991, nous dit qu’«une société change, quand la vision qu’elle a du temps, change»
Les Grecs glorifiaient le passé. Le passé était le modèle fondamental ; il servait de référence au présent et au futur. Cette société qui ne savait pas mesurer le temps, ne s’intéressait pas au progrès.
La société occidentale, dominée par l’Eglise, s’attache à l’idée qu’au monde imparfait où règne le temps, s’oppose un monde de bonheur, l’éternité, où le temps n’a pas de place. Dans ce contexte-là, non plus, la mesure du temps ne s’impose pas. En revanche, la réalisation du bien au cours de la vie, donne au temps son contenu.
En Afrique, la tradition règle la vie et le futur à peu de poids, donc l'investissement.
Dans la philosophie bouddhiste, le temps est cyclique et le progrès est une idée naïve.
Du XVIIème au XIXème siècle, le progrès prend
la place du paradis dans la quête de l’homme. Celui-ci domestique la mesure
du temps et cherche à atteindre le progrès le plus vite possible, en
«s’enchaînant à sa machine puis à son agenda».
Le progrès remplace l'idée de paradis. Et si nous
progressons, il n'y a pas une minute à perdre.
Entre la société occidentale et les autres, il existe une différence radicale dans la façon de considérer l’avenir. «Les représentations du temps constituent une façon discriminante de caractériser les cultures», (Edward T Hall La danse de la vie, Seuil 1984 et Le langage silencieux, Seuil 1984).
"Les transformations silencieuses" de François Julien
La culture chinoise accorde une place centrale aux transitions. pas l'Occident.
On ne voit rien et pourtant heure par heure tout change et tout d'un coup cela nous saute aux yeux.
"les transformations silencieuses" constituent ce que la métaphysique européenne a le plus de mal à saisir, alors que la culture chinoise leur accorde, au contraire, une attention soutenue.
Depuis les Grecs, l'Occident a privilégié les délimitations : il pense par arêtes vives, par bords tranchés, par formes nettes, par idées "claires et distinctes", comme disait Descartes. Ce qui le rend inapte, en fin de compte, à concevoir les transitions, le passage graduel d'une forme à une autre.
La neige qui fond, par exemple. C'est encore de la neige, ce n'en est déjà plus. Avec ce genre de passage, Platon a bien du mal, et Aristote aussi. Car leur outillage conceptuel est, si l'on peut dire, composé de blocs : ou bien c'est de la neige, ou bien ce n'en est pas. Au coeur de leur pensée se tient en effet la question de l'identité stable, et non ce qui transite, mue ou flue.
Ces transitions incessantes sont pourtant au coeur de la réalité. La pensée chinoise, pour sa part, leur accorde une place centrale. Elle conçoit l'existence entière comme une transformation continue : vie organique et vie politique, monde naturel comme monde social ne sont que jeux de transitions ininterrompues. Sur ce versant de la réflexion, il s'agira avant tout de saisir la logique de la situation, sa dynamique interne, ses capacités propres de développement.
Dans cet horizon disparaissent, purement et simplement, certaines interrogations majeures qui ont obsédé la pensée européenne. Par exemple, la question du commencement (aucun début au vieillissement, pas plus qu'au cycle des saisons), celle du but (la transition ne vise pas le résultat comme un objectif à atteindre), ou même - plus surprenant - celle du temps. Attentive aux calendriers, aux annales, aux datations exactes, la culture chinoise n'a cependant jamais thématisé "le temps" comme notion générale et unique. Cette grande abstraction serait-elle, sur le versant occidental, la contrepartie de l'incapacité à rendre compte des transformations silencieuses ? C'est une des hypothèses de ce livre.
Lobjectif du philosophe est de faire bouger, par ce détour, nos conceptions ossifiées. Ainsi, nous croyons le plus souvent que l'histoire se construit par des dates clés, et la politique par des événements - révolutions, ruptures, grands ébranlements. Prendre en considération les transformations silencieuses fait voir autrement le même paysage : ce qui émerge sous forme d'un "événement" - unique, radical et brusque - ne serait-il pas le résultat d'une longue et lente accumulation de transitions infimes ?
Source : extrait de Roger-Pol Droit Article paru dans l'édition du monde du 03.04.09.