Temps

 

Car tout passe et tout lasse, mais je n'y suis pour rien ...

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"L'avenir est ce qu'il y a de pire dans le présent". Gustave Flaubert

Sénèque
  Briser la dictature du temps de Bruno Jarrosson Ed Maxima.
Comprendre ce qu'est le temps pour mieux le vivre

Ceux qui travaillent ont l'impression de subir une pression sur leur temps, presque un vol. Ceux qui ne travaillent pas s'ennuient, croient perdre leur temps. Du temps, j'en ai trop ou trop peu... Le retraité ne fait pas ce que jadis il a reporté au moment de la retraite. Le temps l'a trahi...

Le travail apporte l'information donc le contenu du temps. Sans travail, un déprimant sentiment de vide s'installe.

La vie moderne, d'une certaine façon, nous met hors du temps. temps de travail intensif pour être productif, puis temps de travail domestique inchangé, puis temps de consommation intensive pour être productif dans la consommation. Voilà plus personne n'a le temps....

Les représentations du temps :

Le choc des temps :

La vision mécaniste, linéaire du temps nous éloigne du sens. 0n ne peut assimiler la sensation du temps à sa mesure. Ce livre où se mêlent littérature, histoire des sciences et philosophie nous amène à découvrir que nous élaborons en fait deux représentations du temps : le temps mesuré par les horloges, dans lequel se cale la vie sociale, et le temps ressenti où se niche notre vie personnelle.

Le temps et la science classique :

C'est Newton qui définit le temps universel : commun à tous les observateurs, identique en tous lieux et s'écoulant uniformément.
Cela permettra de résoudre le paradoxe de Zénon d'Elée. Les grecs ont en effet buté sur la notion du temps.

Les deux représentations du temps, celle de sa mesure et celle de son contenu . Importance du temps et du sens.

1 : Le choc des temps.

A chacun son temps.

«Notre mode de vie nous ancre dans un temps qui devient sensible quand nous changeons brutalement de façon de vivre.»

«Le temps des vacances n’est pas le même que le temps des périodes d’activité. Les durées ne sont pas comparables dans leur contenu même si elles le sont dans leur mesure.»

Le temps mesuré est le temps que nous avons en commun avec les autres ; il est nécessaire de l’utiliser pour agir avec les autres et atteindre un objectif.

Le temps ressenti débouche sur une écologie du temps qui évite de subir son accélération.

Lire un résumé de livre, c’est gagner du temps mesuré, mais perdre du temps ressenti ; c’est-à-dire perdre de la substance du livre. Dans maintes circonstances, gagner du temps mesuré revient à perdre du temps. Atteindre un objectif, nécessite de déterminer de quelle représentation du temps relève chaque situation : mesure du temps ou contenu du temps ?

Le temps dans les différentes cultures.

Octavio Paz, prix Nobel de littérature en 1991, nous dit qu’«une société change, quand la vision qu’elle a du temps, change»

Les Grecs glorifiaient le passé. Le passé était le modèle fondamental ; il servait de référence au présent et au futur. Cette société qui ne savait pas mesurer le temps, ne s’intéressait pas au progrès.

La société occidentale, dominée par l’Eglise, s’attache à l’idée qu’au monde imparfait où règne le temps, s’oppose un monde de bonheur, l’éternité, où le temps n’a pas de place. Dans ce contexte-là, non plus, la mesure du temps ne s’impose pas. En revanche, la réalisation du bien au cours de la vie, donne au temps son contenu.

En Afrique, la tradition règle la vie et le futur à peu de poids, donc l'investissement.

Dans la philosophie bouddhiste, le temps est cyclique et le progrès est une idée naïve.

Du XVIIème au XIXème siècle, le progrès prend la place du paradis dans la quête de l’homme. Celui-ci domestique la mesure du temps et cherche à atteindre le progrès le plus vite possible, en «s’enchaînant à sa machine puis à son agenda».

Le progrès remplace l'idée de paradis. Et si nous progressons, il n'y a pas une minute à perdre.

Entre la société occidentale et les autres, il existe une différence radicale dans la façon de considérer l’avenir. «Les représentations du temps constituent une façon discriminante de caractériser les cultures», (Edward T Hall La danse de la vie, Seuil 1984 et Le langage silencieux, Seuil 1984).

 

 

 

Sénèque, Apprendre à vivre, lettres à Lucilius, extraits :

" Oui, c’est cela, mon cher Lucilius, revendique la possession de toi-même. Ton temps, jusqu’à présent, on te le prenait, on te le dérobait, il t’échappait. Récupère-le, et prends-en soin. La vérité, crois-moi, la voici : notre temps, on nous en arrache une partie, on nous en détourne une autre, et le reste nous coule entre les doigts. Pourtant, il est encore plus blâmable de le perdre par négligence. Et, à bien y regarder, l’essentiel de la vie s’écoule à mal faire, une bonne partie à ne rien faire, toute la vie à faire autre chose que ce qu’il faudrait faire.

" Tu peux me citer un homme qui accorde du prix au temps, qui reconnaisse la valeur d’une journée, qui comprenne qu’il meurt chaque jour? Car notre erreur c’est de voir la mort devant nous. Pour l’essentiel, elle est déjà passée. La partie de notre vie qui est derrière nous, elle appartient à la mort. Fais donc, mon cher Lucilius, ce que tu me dis dans ta lettre : saisis-toi de chaque heure. Ainsi tu seras moins dépendant du lendemain puisque tu te seras emparé du jour présent. On remet la vie à plus tard. Pendant ce temps, elle s'enfuit.

" Tout se trouve, Lucilius, hors de notre portée. Seul le temps est à nous. Ce bien fuyant, glissant, c’est la seule chose dont la nature nous ait rendu possesseur : le premier venu nous l'enlève. Et la folie des mortels est sans limite : les plus petits cadeaux, ceux qui ne valent presque rien et qu’on peut facilement remplacer, chacun en reconnaît la dette, alors que personne ne s’estime en rien redevable du temps qu’on lui accorde, c’est-à-dire de la seule chose qu’il ne peut pas rendre, fut-il le plus reconnaissant des hommes.


Infinie, la vitesse du temps! Et, pour l’apercevoir, il faut regarder en arrière. Elle passe inaperçue à ceux qui ont l’œil collé au présent. Tant passe lentement cette fuite précipitée!

" Tu veux savoir la cause de ce phénomène? Tout le temps écoulé se trouve en un même lieu. On l’embrasse d’un seul regard, il est d’un seul tenant. Tout tombe au fond du même gouffre. D’ailleurs, il ne peut y avoir de longs intervalles pour une réalité qui, même prise dans son entier, reste brève. Un point : voilà tout le temps de notre vie. Et encore, un point c’est beaucoup dire! Mais cette toute petite chose, la nature l’a encore divisée en lui donnant l’apparence d’une plus longue durée. Avec ses différentes parties, elle a fait successivement les toutes premières années, l’enfance, la jeunesse, la pente ensuite qui descend de la jeunesse à la vieillesse, la vieillesse proprement dite. Et tant d’échelons pour une échelle si courte! […]

" Je m’indigne […] contre ceux qui gâchent l’essentiel de ce temps en superflu, alors que, même soigneusement économisé, il ne suffirait pas au nécessaire. "

" […] Ainsi pris dans la course effrénée du temps, nous avons d’abord perdu de vue l’enfance, et puis l’adolescence, et puis l’âge qui va de la jeunesse à la vieillesse proprement dite. Et voici que commence à poindre le terme commun à tous les hommes. […] En réalité, c’est un port qu’il nous faut parfois rechercher et ne jamais refuser. […] Dis-toi bien que c’est la même chose pour [chacun d’entre] nous. Les uns, la vie les emporte à toute vitesse là où ils seraient de toute façon arrivés, même s’ils avaient tardé davantage. Les autres, elle les ramollit et les dessèche. La vie, tu le sais, il ne faut pas s’y cramponner à tout prix : le bien ce n’est pas de vivre mais de vivre bien. C’est pourquoi le sage vivra autant qu’il le doit et non pas autant qu’il le peut. 

" […] La vie, c’est une pièce de théâtre : ce qui compte ce n’est pas qu’elle dure longtemps mais qu’elle soit bien jouée. L’endroit où tu t’arrêtes, peu importe. Arrête-toi où tu voudras pourvu que tu te ménages une bonne sortie. "

" Il ne faut pas chercher à vivre longtemps mais à vivre pleinement. En effet, vivre longtemps, c’est le destin qui décide. Vivre pleinement, c’est ton âme.

Mesurons-la vie à ses accomplissements, non à sa durée.

" Les années vertes, les années en friche, les années inutiles! On en dort la moitié. Ajoute à cela les fatigues, les deuils, les dangers. Tu comprendras que, même dans la vie la plus longue, le temps qu’on passe à vivre est minuscule

" Par quel moyen échapper à ce vertige? Un seul : faire en sorte que notre vie ne soit pas tendue vers l’avenir mais qu’elle se concentre sur elle-même. En effet, seuls s’accrochent à l’avenir ceux dont le présent est stérile. […] Hâte-toi donc de vivre, mon cher Lucilius, et conçoit chaque jour comme une vie entière. L’homme ainsi préparé, celui dont la vie a été chaque jour complète, est bien tranquille. Mais ceux qui vivent dans l’espoir du lendemain, le temps leur échappe sans cesse. –

Extirpons de nos cœurs cette rage de vivre et apprenons que peu importe le moment où l’on souffrira ce qu’il faut un jour ou l’autre souffrir. Ce qui compte c’est de vivre bien, pas de vivre longtemps.