Primo LEVI
Né à Turin en 1919. Déporté à Auschwitz en 1944. Meurt en 1987

Enfin eu le courage et la force de lire "Si c'est un homme". Un livre vrai, simple, direct, de profonde conscience.

P 300 : Comment s'explique la haine fanatique des nazis pour les juifs ?

Extraits : L'aversion pour les juifs n'est qu'un cas particulier d'un phénomème plus général, à savoir l'aversion pour ce qui est différent de nous. Indubitablement, il s'agit à l'origine d'un phénomène zoologique : Les animaux d'une même espèce, mais appartenant à des groupes différents, manifestent entre eux des réactions d'intolérance.
Si on introduit une poule d'un certain poulailler dans un autre poulailler, elle est repoussée à coups de bec pendant plusieurs jours.

L'antisémitisme est un phénomène typique d'intolérance. Pour qu'une intolérance se manifeste, il faut qu'il y ait entre deux groupes en contact une différence perceptible (Peau, cheveux, etc..).

Dans l'enchevêtrement si complexe des nations et des peuples en lutte, l'histoire du peuple juif présente des caractéristiques particulières. Il était et est encore dépositaire de liens internes très étroits, de nature religieuse et traditionnelle. Ainsi en dépit de son infériorité numérique, le peuple juif s'opposa à la conquête romaine.
Vaincu, il fut déporté et dispersé, mais les liens internes subsistèrent.

Les juifs, en minorité dans tous les endroits où ils se fixaient, étaient donc différents et souvent orgueuilleux (à tort ou à raison) de cette différence : tout cela les rendait très vulnérables.
A partir du moment où le christianisme commença à se constituer comme religion d'état, l'antisémitisme prit une forme principalement religieuse.
Si l'on en croit Saint Augustin, c'est Dieu lui-même qui condamne les juifs à la dispersion, et cela pour deux raisons : comme punition pour n'avoir pas reconnu le Messie dans la personne du Christ, et parce que leur présence est nécessaire à l'église catholique afin que les fidèles aient sous leurs yeux le spectacle du malheur mérité des juifs.
Durant les premiers siècles du christianisme, les juifs furent accusés d'être responsables collectivement et éternellement de la crucifixition des juifs.
Au fil d'une série continue de massacres er de migrations, on arrive au 19ième siècle, marqué par un réveil général de la conscience nationale et par la reconnaissance des droits des minorités.
L'idée de la mission de la nation allemande survit à la défaite de la première guerre mondiale et sort même renforcée de l'humiliation du traité de Versailles.
Arrive Hitler.
En 1933, deux mois après l'arrivée au pouvoir de Hitler, Dachau, le premier Lager est né.
C'est dans la pratique routinière des camps d'extermination que la haine et le mépris instillés par la propagande nazie trouve leur plein accomplissement. Là, en effet, il ne s'agit plus simplement de mort, mais d'une foule de détails maniques et symboliques, visant tous à prouver que les Juifs, les Tziganes et les Slaves ne sont que bétail, boue et ordure.
En résumé, on peut donc affirmer que l'antisémitisme est un cas particulier de l'intolérance; que pendant des siècles, il a un caractère essentiellement religieux; que sous le 3ième reich, il s'est trouvé exacerbé par les dispositions nationalistes et militaristes du peuple allemand, et par la "diversité" spécifique du peuple juif; qu'il se répandit facilement dans toute l'Allemagne et dans une bonne partie de l'Europe grâce à l'efficacité de la propagande fasciste et nazie, qui avait besoin d'un bouc émissaire sur lequel faire retomber toutes les fautes et toutes les rancoeurs, et que le phénomène fut porté à son paroxysme par Hitler, dictateur maniaque.
Cependant, je dois admettre que ces explications, qui sont celles communément admises, ne me satisfont pas.
A relire les historiques du nazisme, depuis les troubles du début jusqu'aux convuslsions finales, je n'arrive pas à me défaire de l'impression d'une atmosphère générale de folie incontrolée qui me parait unique dans l'histoire.
J'avoue que je préfère l'humilité avec laquelle quelques historiens, parmi les plus sérieux (Bullock, Schramm, Bracher), reconnaissent ne pas comprendre l'antisémitisme acharné de Hitler, et à sa suite de l'Allemagne.
Peut-être que ce qui s'est passé ne peut pas être compris, et même ne doit pas être compris, dans la mesure où comprendre, c'est déjà presque justifier.
 

Ne pas chercher à comprendre, mais se souvenir. Méditer. Se rappeller que Hitler, Pussolini étaient acclamés comme des dieux lorsqu'ils parlaient.
Les mosntres existent, mais ils sont trop peu nombreux pour être dangereux.; ceux qui sont plus dangereux, ce sont les hommes ordinaires, les fonctionnaires prêts à croire et à obéir sans discuter.

 

 

Vous qui vivez en toute quiétude
Bien au chaud dans vos maisons,
Vous qui trouvez le soir en rentrant
La table mise et des visages amis,
Considérez si c'est un homme
Que celui qui peine dans la boue,
Qui ne connait pas de repos,
Qui se bat pour un quignon de pain,
Qui meurt pour un oui ou pour un non.
Considérez si c'est une femme
Que celle qui a perdu son nom et ses cheveux
Et jusqu'à la force de se souvenir,
Les yeux vides et le sein froid
Comme une grenouille en hiver.
N'oubliez pas que cela fut,
Non, ne l'oubliez pas :
Gravez ces mots dans votre coeur.
Pensez-y chez vous, dans la rue,
En vous couchant, en vous levant;
Répétez-les à vos enfants.
Ou que votre maison s'écroule,
Que la maladie vous accable,
Que vos enfants se détournent de vous.