L'horloge de Königsberg :
Célibataire méticuleux, Emmanuel Kant a réglé sa vie comme un métronome pour se consacrer à son oeuvre.

Contraste entre sa vie d'une banalité petite bourgeoise totale et la radicalité de la révolution philosophique qu'il était en train de faire.
Il semble que rien dans sa vie n'ait été laissé au hasard : Jusqu'à son apparence. Il suivait la mode bien qu'il la tienne pour chose futile.

Le trait le plus célèbre et le plus révélateur de sa personnalité est la régularité de métronome qu'il observe dans son emploi du temps, au point rapporte-t-on de servir d'horloge aux habitants de Königsberg.
IL confesse que sa montre serait le dernier objet qu'il vendrait.
Tous les matins à cinq heures moins cinq, été comme hiver, son serviteur qui s'appelle Lampe le réveille. Kant lui a donné l'ordre d'être impitoyable si il cherchait à prolonger la nuit. A cinq heures, Kant est à sa table de travail qu'il quitte à 12H45 précises en disant à sa cuisinière "il est moins le quart"!
La promenade quotidienne obéit à un rituel non moins immuable que seuls  deux évènements parvinrent à dérégler dit-on : la lecture de "L'Emile" de Rousseau en 1762 et l'annonce de la révolution française. Tous les soirs à 10 heures, Kant est au lit.

Au service de l'oeuvre qu'il a conscience d'être en train de produire. Mais outre le souci de ne pas perdre un temps précieux, cette régularité et cette maniaquerie sont dictées à Kant par une diététique conçue comme "l'art de prolonger la vie, non d'en jouir". L'une de ses obsessions est en effet de vivre le plus longtemps possible.  Il tient une liste des gens les plus âgés de Königsberg et se félicite régulièrement "d'avancer" sur la liste. Chétif et de santé fragile, il est persuadé d'avoir arraché à la nature grâce à son mode de vie le grand âge auquel il est parvenu. Il est conscient des ses tendances hypocondriaques.

Kant n'est pas aussi austère qu'on se l'imagine : Fin gourmet, il invite régulièrement à sa table, mais des convives exclusivement masculins.
Kant conduit la conversation et ne souffre pas qu'elle languisse.
" Il n'y a pas de situation où l'unité de la sensibilité et l'entendement dans le plaisir puisse être si longtemps maintenue et agréablement recommencée qu'un bon repas en plaisante compagnie."

Kant a pris la voix effrayante d'un philosophe inexorable, enlevé le ciel d'assaut et passé toute la garnison au fil de l'épée. Vous voyez étendu sans vie les gardes du corps ontologiques, cosmologiques et physico-théologique de Dieu; il n'est plus désormais de miséricorde divine, de bonté paternelle, de récompense future pour les privations actuelles, l'immortalité de l'âme est à l'agonie.... Et le vieux Lampe, spectateur affligé de cette catastrophe laisse tomber son parapluie, une sueur d'angoisse et de grosses larmes coulent de son visage. Alors Emmanuel Kant s'attendrit et montre qu'il est non seulement un grand philosophe, mais encore un brave homme ; il réfléchit et dit d'un air débonnaire, moitié malin : "Il faut que le vieux Lampe ait un Dieu, sans quoi point de bonheur pour le vieil homme... Or l'homme doit être heureux en ce monde; ... c'est ce que dit la raison pratique...je le veux bien, moi... que la raison pratique garantisse donc l'existence de Dieu." En conséquence de ce raisonnement, Kant distingue entre la raison théorique et la raison pratique et à l'aide de celle-ci comme avec une baguette magique ressuscite le Dieu que la raison théorique avait tué."
Heinrich Heine

Avec un outillage conceptuel  au style qu'on peut juger désuet  il révolutionne la philo :
u noumème et phénomène.
u à priori et à postériori,
u jugement analytique et jugement  synthétique,
u transcendal et empirique.
Il faut s'approprier ces notions pour mieux comprendre

Hegel (l'hôpital qui se moque de la charité ?) qualifie ce vocabulaire technique (et rébarbatif ?) de "terminologie barbare".

2) Kant est le penseur de la dignité de l'homme. Il pose les jalons de ce qu'il nomme déjà "les droits de l'homme". Kant définit le droit comme "l'ensemble des conditions par lesquelles le libre arbitre de l'un peut s'accorder avec celui de l'autre suivant une loi universelle de liberté".  Ce qui ressemble à s'y méprendre à l'article 4 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789.

3) le mal : mensonge que chaque homme du meilleur au pire se fait à lui-même à l'instant où il agit moralement, mais pour des raisons particulières.

4) Le mensonge criminel : qu'il témoigne ou non d'une intention de nuire, le fait de mentir est mauvais en soi et rend impossible toute promesse. Kant défend le caractère absolu du devoir de vérité que que soit le mal qui peut en résulter pour autrui. La loi morale n'admet aucune exception et s'écroule sous l'effet de la moindre trahison.
Question : que ferait un kantien de stricte obédience si alors qu'un juif est caché dans son grenier, des nazis lui demande où il se trouve. Vladimir Jankélévitch (Traité des vertus) répond "malheur à ceux qui mettent au-dessus de l'amour la vérité criminelle de la délation ! Malheur aux brutes qui disent toujours la vérité!"

5) Tolérance et laïcité : il distingue "la religion révélée" de la "religion naturelle". Il inaugure un espace de laïcité tout en laissant une place à la foi.

6) Bonheur : contre les stoïciens, il affirme que la vertu n'engendre pas nécessairement le bonheur.
Bien que le bonheur ne puisse constituer une fin en soi, il ne faut pas le fuir car il est moins difficile de bien se conduire quand on est heureux.

7) Beauté : le beau n'est pas le vrai mais plutôt ce qui plait universellement sans concept. Ce n'est pas l'agréable non plus car la satisfaction qu'il procure est libre desinteréssée et ne relève pas d'un plaisir particulier

8) Paix : "L'état de paix entre hommes vivant côte à côte n'est pas un état de nature, celui-ci étant plutôt un état de guerre". Il jette les bases de ce qui sera plus tard la Société Des Nations.

9) Kant vrai macho.... mais alors grave de chez grave.
La femme n'est pas inutile car elle sert à "la conservation de l'espèce", à la "culture de la société et son affinement par la féminité"....

10) Le corps intelligent. "Ce qui est étonnant c'est que quelque chose comme le corps d'un animal ait été possible"