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Ecrire pour Johnny                            Au sujet du disque Good Rockin' Tonight, the Legacy of Sun Records
 
Ecrire pour Johnny par Thierry Gandillot
Quelques-uns de ses paroliers témoignent

«Alors, quand est-ce que tu écris pour moi?» Cette question, ils sont nombreux à l'avoir entendue.
Le plus surpris fut certainement Stephan Eicher. C'était au cours d'une émission sur France Inter, quand il a découvert en direct la voix de Johnny, qui lui demandait une chanson: «Avec Philippe Djian, nous n'avions jamais écrit pour d'autres, alors on s'est dit: s'il chante l'une de nos chansons, il faut vraiment que ce soit la sienne. Quand Philippe m'a envoyé le texte par fax, je l'ai punaisé au mur et je me suis mis à tourner autour comme un couturier qui prend les mesures de son client. Je voulais composer un morceau qu'il aurait du plaisir à chanter sur scène.»
Pour Catherine Lara, la question a été posée lors de l'enregistrement de l'hymne qu'elle avait composée pour les Bleus: «Pour moi, c'est le chanteur de scène par excellence. Je voulais un morceau avec lequel il s'éclaterait devant son public. Je le voyais tomber à genoux, et c'est ainsi que j'ai eu l'idée de Laisse-moi tomber.»
Même inspiration pour Maxime Le Forestier: «Johnny, c'est le rocker qui baisera jusqu'à sa mort.»
Pour le premier double album de sa carrière - 23 chansons - Johnny a réuni un casting exceptionnel: Gérald de Palmas, Axel Bauer, Patrick Bruel, Marc Lavoine, Maxime Le Forestier, Hugues Aufray, Stephan Eicher, Catherine Lara, Daran, David Hallyday, Fred Blondin, Didier Golemanas, Michel Mallory, Hawksley Workman, Marie Nimier, Jean Rouaud et bien d'autres, vieux compagnons de route, étoiles montantes ou néophytes, comme Sandrine Kiberlain. Tous partageaient le souci d'écrire une chanson qui colle à l'image de Johnny, mais en dépassant les clichés.
«On a vite fait de tomber sur les mêmes mots - rue, noir, guitare, amour - avec comme trame l'histoire du survivant, de celui qui est revenu de tout, explique Axel Bauer. Moi, j'ai cherché à le rendre plus humain, plus fragile. A le déstariser.» «Travailler avec Johnny, c'est émouvant, car il y a toute la vie qu'on a vécue avec lui sans qu'il le sache, ajoute Marc Lavoine.
En même temps, il est tellement moderne qu'il peut chanter un rock très produit. J'ai beaucoup écouté Lenny Kravitz, Nirvana, Smashing Pumpkins ou Garbage.» Marie Nimier et Jean Rouaud avaient d'abord imaginé une chanson autour du mythe Bogart-Bacall. Finalement, leur texte est centré sur l'image publique de Johnny:
«Le moment où il peut être lui-même, ce n'est ni dans la rue, où tout le monde le reconnaît, ni au cinéma, où il joue un rôle, mais sur scène, les yeux fermés.» C'est lors du tournage d'un film de Laetitia Masson, justement, que Sandrine Kiberlain l'a rencontré: «Il m'a parlé d'un thème que personne n'avait jamais abordé pour lui, celui des chiens abandonnés sur le bord des routes. Il voulait parler de la lâcheté des nantis, de la façon dont on maltraite les pauvres. Il sait ce qui émeut, ce qui va toucher les gens.» «Oui, je suis né dans la rue...»
 
 

Libération du 12 décembre 2001 : au sujet du disque Good Rockin' Tonight, the Legacy of Sun Records CD (Sire):

Inouï, Johnny Hallyday chante comme on n'en rêvait plus. Anglais et mise en place nickel, félinité retrouvée, il interprète un «Blue Suede Shoes» anthologique.

Genre désormais cyclique, l'album hommage manifestait à l'origine l'engouement d'un interprète pour un auteur ou compositeur: Sinatra popularisant Jobim, Country Joe dépoussiérant Woody Guthrie. Ce fut ensuite le désir de faire découvrir un artiste mésestimé, en actualisant son répertoire. De Syd Barrett au Velvet Underground en Leonard Cohen. Depuis quelques semaines, il en repleut comme à Gravelote. Cela va de Bowie ou McCartney, Wyatt et Brassens, jusqu'à Mano Negra (Illegal), en passant par nombre de tributes à des pionniers: Mississippi John Hurt (Avalon Blues), Woody Guthrie ('Til We Outnumber'Em), Hank Williams (Timeless), Townes Van Zandt (Poet).

Creuset nerveux. Mais la surprise du chef, c'est cet hommage aux disques Sun. Soit l'historique label de Memphis, où Sam Phillips non seulement découvrit Elvis Presley, Carl Perkins, Jerry Lee Lewis, Johnny Cash, Roy Orbison - sans compter tels Charlie Pride ou Billy Lee Riley -, mais enregistra également des légendes blues comme Howlin' Wolf. Sans doute parce que Sun incarne l'origine du rock, son creuset nerveux et minimaliste, les quinze artistes concernés ont pour une fois pris l'affaire très au sérieux.

Ça s'ouvre sur un Paul McCartney tonitruant à la basse, accompagné par Scotty Moore et DJ Fontana (That's All Right Mama). Les poignardages de guitare de Jeff Beck lui succèdent sur un Mystery Train hoqueté par Chrissie Hynde. Ce sont ensuite Page et Plant, lesquels donnaient en juillet à Montreux un concert consacré au sujet Sun. Leur My Bucket's Got a Hole in it, furieusement acoustique, approche le fantasme du rockabilly d'Enfer.

Reconnexion. Puis, c'est la stupéfaction: Johnny Hallyday himself. Inouï, loin de son récent duo avec Clémence ou de sa reprise de Julio, chantant comme on n'en rêvait plus depuis Sings America's Rocking Hits, effaçant d'un coup, en 2 min 5 s, le mensonge originel dont témoigne encore son pseudo «américain». Comment louer la performance de Philippe Rault, ancien correspondant de Rock & Folk aux Etats-Unis, producteur du morceau au printemps à Los Angeles, responsable de cette reconnexion de l'idole avec sa génération perdue? Anglais et mise en place nickel, félinité retrouvée, Johnny interprète un Blue Suede Shoes anthologique propulsé par Chris Spedding, tenant la dragée haute au voisinage. A tel point que derrière, malgré sa bonne volonté collector, Elton John pâlit sur un Whole Lotta Shakin'Going On justifiant pourtant toute sa frénésie pianistique.

Mais dans ce disque, personne ne démérite, pas même Matchbox Twenty (Lonely Weekend), ni Live (I Walk the Line), ni même Sheryl Crow (Who Will the Next Fool be), pourtant redoutables. Tout juste Bryan Ferry déçoit-il, sans doute parce que son style vocal est si façonné sur Don't be Cruel qu'il ne lui insuffle aucune personnalité, malgré la rythmique d'Elvis et la guitare de Knopfler.

Les suivants, comme les précédents, sont au sommet. Tom Petty allumé, bouseux, coq (Blue Moon of Kentucky); Chris Isaak, langoureux, retrouve le son des micros à lampe (It Wouldn't be the Same Without you); Kid Rock adapte parfaitement son rôle d'American «Bad-ass» au nu-metal des Howling Diablos (Drinkin'Wine Spo-Dee-O-Dee); Van Morrison, en duo avec feu-Carl Perkins, domine Sittin'on Top of the World; Clapton, entouré des Impressions, se transforme en chanteur soul crédible, et chaleureux comme son discret solo de guitare.

Rumination. Enfin, Bob Dylan, producteur voici quatre ans d'un remarquable album à la mémoire de Jimmie Rodgers et récent interprète du Return to me de Dean Martin pour la série les Sopranos, s'avère tout simplement magistral dans sa version de l'humoristique Red Cadillac and a Black Moustache de Billy Lee Riley, auquel il insuffle l'esprit de son dernier album en hommage à l'Amérique des minstrels shows, l'énigmatique et remarquable Love and Theft, rumination sur l'histoire et la morale culturelle des Etats-Unis d'Amérique.

Un sans-faute, donc, produit par Ahmet Ertegun, immigrant turc fondateur du label Atlantic, qui forme avec Chess et Sun, ici splendidement honoré, la trilogie fondatrice du rock.

 Yves Bigot