Comprendre le Monde

Des mots pour nos maux ...Une tentative pour comprendre..

sommaire    

Ecologie Economie/Social

Marchés financiers
C'est le hasard qui rend riche
Apologie du doigt mouillé
La finance est le maillon faible
 

21ième siècle 
Le 11 septembre 2001, tournant dans la mondialisation
La vie Fight-Club
L'esprit du terrorisme, par Jean Baudrillard

 

Avec l'anthropologie, la sociologie, la philosophie....       

Mais surement pas avec la science économique qui postule que l'être humain est un animal rationnel mu par son intérêt économique dans un monde parfait. D'une théorie absurde (on a tous le même niveau d'information et on est tous rationnel, on a fait découler la pseudo-science eco(no)mique... Un trucs de mathématiciens robinsonniens..    

Philosophie et sociologie ont une longue histoire en commun puisque l'on retrouve chez Platon  des éléments distinctifs de réflexion sur la manière dont une société se structure.
Pourtant ce n'est qu'au dix-neuvième siècle que la sociologie, comprise comme science de la société de son organisation et de son évolution, est apparue.

Voir la page de Claude Levi Strauss

                                                                                  

http://www.rue89.com/
http://www.nonfiction.fr/ 
http://www.interactions-tpts.net/rubrique.php3?id_rubrique=17
http://www.canal-u.tv/ 

"Théorie anti-utilariste de l'action". (Fragments d'une sociologie générale) d'Alain CAILLE   La Découverte, 192 pp. 19 euros.        http://www.journaldumauss.net/ 

La sociologie générale constitue un héritage grandiose, où l’on retrouve les plus grands auteurs : Tocqueville, Marx, Weber, Durkheim, Simmel, Mauss ou encore Bourdieu, qui est probablement le dernier de cette tradition. Son but était de s’interroger sur la formation, le fonctionnement et la mort des sociétés humaines. La philosophie politique partage le même objet, mais l’aborde sur un mode spéculatif, en «écartant tous les faits», comme disait Rousseau. Quant à la science économique, elle recourt à des situations théoriques (des robinsonnades) où l’intérêt économique est artificiellement isolé des autres moteurs de l’action. La sociologie générale ne méconnaît pas la puissance des intérêts individuels, mais, pour elle, c’est autre chose qui tient les individus ensemble. Tocqueville et Marx n’ont pas dit autre chose. Etudiant la société utilitariste par excellence que sont les Etats-Unis, le premier montrait qu’elle trouvait son fondement dans le religieux ; et il y avait chez le second l’idée que le capitalisme ne marche que par le fétichisme de la marchandise.

Mon ambition, c’est de renouer les fils avec cette tradition-là, en essayant d’éclairer le point central : qu’est-ce qui motive les acteurs sociaux à agir, quelle est la place respective de l’intérêt et de ce qui échappe au registre de l’intérêt ?

C’est pour réfuter l’utilitarisme que Mauss publie en 1924 l’Essai sur le don, où, rassemblant tout le savoir ethnologique de son temps, il montre que, dans les sociétés archaïques, la règle de base n’est pas le donnant-donnant et l’achat-vente, mais la triple obligation de «donner-recevoir et rendre». Ce n’est pas une vision idyllique : se montrer généreux est une forme de guerre, on se bat pour être le plus généreux, mais c’est une guerre qui inverse la guerre et fait la paix. Dès lors, le don apparaît comme la matrice première des sociétés et, à travers lui, Mauss va découvrir l’importance du symbolisme : les sociétés sont intrinsèquement symboliques, il n’y a pas d’une part la réalité et d’autre part les symboles. Cette découverte va irriguer tout le structuralisme français, à commencer par Lévi-Strauss et Lacan, qui feront référence de façon explicite à Mauss.

Que prouve la théorie du don ? Que les êtres humains ne sont pas des monades séparées, qu’ils vivent en interdépendances, que l’intérêt pour soi est traversé par l’intérêt pour autrui et que le rapport à autrui est aussi premier que le rapport à soi-même. Ces intuitions ont été confirmées depuis par l’éthologie ou les neurosciences, avec les théories de l’imitation ou de l’empathie. Si je regarde quelqu’un courir, les mêmes neurones vont s’activer dans mon cerveau que si je courais moi-même : on parlera alors de neurones-miroirs.

je crois que le moment dans lequel nous sommes ne doit pas nous égarer et que le moteur de l’homme a toujours été et reste la quête de reconnaissance, de la capacité de donner, d’être puissant, de montrer qu’on est splendide. Il se trouve juste que, depuis trois décennies, la modalité pour être splendide, c’est d’avoir une Rolex. En d’autres temps, chez les Grecs, être splendide, c’était mourir pour la cité. La rapacité actuelle n’est pas à elle-même sa propre explication et, ce qu’il faut se demander, c’est quel bouleversement symbolique a pu générer l’idée que la reconnaissance devait passer par la richesse économique.

Extrait de Libération du 16 aril 2009

 

Dans Philosophie Magazine n°15, Interview d'Edgar Morin :

"Je retiens de Hegel que la notion de contradiction est au fondement de l'être, de la vie et de la pensée."   (note maliphane : Jung postule aussi que les contradictions nous tiennent debout et sont le fondement de nos êtres)

"Je suis ignoré par les critiques pour qui les écrits sont à étiqueter dans les rubriques "littérature", "philosophie", "sociologie", "histoire", "science" et qui faute de pouvoir m'inscrire dans une de leurs cases, me renvoient dans un no man's land. Moi je me vois à la fois philosophe, historien, sociologue, écrivain, mais je suis chassé de chacune de ces catégories.
Ma façon d'être à gauche est incomprise par les paris et par la tribu des intellectuels de gauche."

"Cataclysme personnel", on lui cache la perte de sa mère à neuf ans :"Cette meurtrissure m'a conduit vers le scepticisme, le doute infini et la fréquentation des auteurs tels que Montaigne, mais aussi ce que j'appelle les tragiques, comme Pascal et Dostoïevski...
Cette souffrance d'enfant m'a aussi rapproché d'une forme de compassion pour la condition humaine. Je n'ai cessé d'osciller entre la négation nihiliste et l'enthousiasme humaniste, de chercher du sens et de douter du sens.

Je suis du côté de la "reliance", cad ce qui relie les êtres, y compris la matrice planétaire, et non du côté de la religion, du salut terrestre ou céleste."
 

L'intérêt général démagnétisé, par Régis Debray
 LE MONDE | 07.02.08 |

La photo de groupe du conseil municipal ? "J'ai mis deux ans, me répond le maire de Puy-Guillaume, en Auvergne, 2 700 habitants, avant de pouvoir réunir mes vingt-trois conseillers sur les marches de la mairie. Les agendas ne collaient jamais. Il y en avait toujours un avec un empêchement. Une belle-mère malade, des vacances au comité d'entreprise de la verrerie, une partie de pêche, le match de foot. Au club de sport de la commune, on ne trouve plus guère de bénévoles. Et quand l'instit annonce une grève, la réaction des parents n'est plus : "Zut, une journée d'école de perdue pour le petit", mais : "Qu'est-ce que je vais bien pouvoir en faire demain ?"" Le républicain à l'ancienne ne s'y reconnaît plus. Où est passé l'intérêt général ? Le long terme ? Le privé et l'immédiat ont tout avalé.

Ce "perso" d'abord, quel boute-en-train ne le déplore ? Casse-tête tous azimuts : trouver la bonne date. Amicale sportive, assemblée diocésaine, loge franc-maçonne, comité de rédaction, cellule ou section de parti, bureau de l'association : pas de chance, on est toujours pris ce jour-là. Certes, un vrai Parisien ne "zappe" pas un plateau télé, ni une réunion de copropriétaires, ni un dîner du Siècle. On a tous l'instinct de notre intérêt. Fric et frime nous assignent et mobilisent.

Mais dès qu'il ne s'agit plus de se faire voir, de gagner des sous ou de monter un coup, l'être-ensemble gratuit ou désintéressé semble avoir perdu le pouvoir de réquisition qui était le sien pour le meilleur et pour le pire, du temps où le devenir collectif polarisait nos petites vies individuelles. Et régulait d'autorité nos agendas, jours fériés compris. Dans une société qui se rêve conviviale et prend un échange d'informations pour un échange d'idées, le Net connecte tout en émiettant. Et le travail d'intérêt collectif est devenu une punition pénale. Malgré la loi de 1901 et la prospérité du monde associatif, la cause commune se démagnétise. Qui invite des amis à dîner doit désormais leur annoncer, pour contourner la belle-mère souffrante, que Madonna passera prendre le café (se plaindre au dessert que les avions ont toujours du retard).

Si le rassemblement se porte mal, pour cause d'assiduité et d'obligation, assimilé qu'il est à un enrégimentement, l'attroupement, lui, fait florès. Autour du dernier produit, des deux sexes, de la sélection télévisuelle, du plus glamour ou du plus inapte. Le mouvement de curiosité, c'est bref et sans lendemain. Indolore. L'électeur meurt en badaud, et le militant en fan.

A rapprocher d'un autre phénomène de contre-société : la nécessité où nous sommes désormais d'appeler, la veille d'un rendez-vous pris un mois un plus tôt, pour savoir "si ça tient toujours". Chacun vérifie par là que l'autre n'a pas trouvé mieux à faire entre-temps. Plus juteux ou plus marrant. Fin du "j'engageais mon honneur, engageant ma parole". Puisque l'instant commande, à la carte, les options restent ouvertes jusqu'à la dernière minute. S'engager a un double sens, et ce n'est pas un hasard : se mettre au service d'une cause et bloquer son agenda. Quand, maintenant, tout est maintenant, le nous n'a plus d'autorité sur le moi. C'est chacun pour soi, comme dans un naufrage. Enrichissez-vous dans votre coin et priez le bon Dieu de temps à autre. De cette effervescence concurrentielle découlera le Bien Commun. Postulat désormais commun à la gauche comme à la droite. Plus qu'un opportunisme, c'est une saison de l'âme.

L'utilité commune, l'avantage de tous, la volonté générale, la nation : ces mots étaient à l'honneur dans la Déclaration de 1789. Elle reconnaît des droits aux "membres de la société", aux hommes définis comme citoyens de par leur appartenance à un corps politique. Dans le préambule de la Charte européenne des droits fondamentaux, en revanche, la personne est le centre du monde, et la société a disparu comme sujet. Ce qu'elle est en maints articles de notre texte-phare. La pente est au nombril, en vidéosphère. Le petit écran est bonapartiste : pas de place pour une assemblée ni un plan d'ensemble. Le 4/3 écran plat incitera-t-il à plus d'abnégation ? Contrairement aux personnes physiques, les personnes morales (telle la République une et indivisible - ou pis encore, le peuple, la France, la classe ouvrière, etc.) garderont le défaut d'être invisibles au petit écran et de ne pas donner d'interviews à la radio. Pas vu, pas de vie. A quoi un spectre peut bien nous obliger ? Certains pensent, avec Adam Smith, que l'égoïsme de chacun apporte à tous la richesse économique. Les mêmes devraient constater que l'individualisme dit démocratique peut, passé un certain point, pulvériser la démocratie, barricader nos cités et ruiner jusqu'à la civilité.

Raison de plus pour faire l'honneur modeste d'un bulletin de vote à nos futurs édiles. Pas d'abstention. Des gens assez fous pour briguer un poste où il leur faudra se dévouer à des affaires qui ne sont pas directement les leurs, et qui tireront de ce renoncement à leur quant-à-soi plus d'ennuis que de gloire, et plus de plaintes en justice que de stock-options, méritent bien qu'on leur sacrifie dans l'isoloir un quart d'heure de nos sacro-saints loisirs. Pas plus ? Soit. Mais pas moins. Il en va dans ce devoir de générosité, pour nuisible qu'il soit au dimanche à la campagne, de notre intérêt perso. Deux dictatures menacent de tout temps le bonheur les citoyens : celle du tout sur la partie, et celle des parties sur le tout. A l'heure où le tout n'est plus rien, c'est bien le moins qu'on l'aide à redevenir quelque chose.